À l’occasion du premier anniversaire du colloque international organisé par le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (RUEH) et le Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes (MAEC), cet article revient sur les moments marquants de cet événement, qui a mis en lumière l’impact de la Révolution haïtienne sur les luttes d’émancipation à travers le monde.
Lors du colloque international organisé par le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (RUEH) et le Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes (MAEC), l’une des interventions marquantes a été celle du Dr Bastien Craipain, professeur au Département des Études Françaises à l’Université d’État de Louisiane. Ce dernier a présenté une conférence intitulée « Benito Sylvain : un ethnographe sur le terrain des revendications raciales », mettant en lumière la contribution exceptionnelle de cet intellectuel haïtien au champ de l’anthropologie et de la lutte anticoloniale à la fin du 19e et au début du 20e siècle.
Benito Sylvain, né Marie Joseph Benoît d’Artagnan Sylvain à Port-de-Paix en 1868, incarne un parcours singulier d’intellectuel engagé. Après ses études au Collège Saint-Martial et au collège Stanislas à Paris, il se distingue dès 1889 en fondant le journal La Fraternité, un organe de défense des intérêts d’Haïti et de la race noire. Selon le professeur Craipain, l’engagement militant de Sylvain s’intensifie en 1890 lorsqu’il participe à la première Conférence internationale anti-esclavagiste à Bruxelles, marquant ainsi son entrée dans un militantisme qu’il poursuivra tout au long de sa vie.
En 1893, Sylvain rejoint la Société d’ethnographie de Paris, où il est rapidement nommé président du comité oriental et africain. Cette position lui offre une plateforme pour dénoncer les abus coloniaux et promouvoir l’émancipation des peuples noirs. Il utilise sa voix pour réclamer une reconnaissance de l’humanité des peuples noirs, soulignant que, tout comme les autres races, la race noire est tout aussi perfectible. Son discours s’inscrit dans une démarche de revendication où l’indignation morale et l’affront deviennent des éléments centraux du combat.
Sa thèse, soutenue en 1901, porte sur le sort des indigènes dans les colonies d’exploitation, une analyse approfondie qui dénonce les atrocités du système colonial. Cette réflexion s’enrichira plus tard de ses rencontres avec des figures emblématiques de la lutte anticoloniale, comme l’empereur Ménélik II d’Éthiopie, avec qui il nouera une amitié durable après sa visite en 1897.
Benito Sylvain est également à l’origine de la revue L’Etoile Africaine (1906), un autre moyen pour lui de poursuivre son combat pour le relèvement social des noirs. Malgré la courte durée de cette publication, il s’engage pleinement dans la cause panafricaine, multipliant les liens avec des militants africains et afrodescendants à travers le monde.
Le Dr Craipain a souligné l’importance de Benito Sylvain dans la construction de l’alliance panafricaine, notamment avec l’Éthiopie, un modèle de résistance contre le colonialisme européen. En effet, à travers son activisme, Sylvain a contribué à la mise en lumière de l’histoire commune de résistance des peuples noirs face à l’esclavage et au colonialisme, tout en offrant une analyse de la place centrale d’Haïti dans ce combat mondial.
Le colloque international organisé en novembre 2023 a été l’occasion de redécouvrir l’héritage de figures comme Benito Sylvain, en soulignant le rôle clé d’Haïti dans les luttes pour l’émancipation des peuples. Au-delà des réflexions historiques sur l’esclavage, cet événement a permis de renforcer les liens entre les intellectuels, historiens et chercheurs du monde entier, affirmant ainsi la pertinence et l’actualité des combats portés par Sylvain pour l’émancipation des peuples colonisés.
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