Dans le cadre d’un colloque international consacré à la contribution d’Haïti à l’émancipation des peuples, la professeure Anne Eller, experte en histoire de l’Amérique Latine et des Caraïbes à l’université de Yale, a présenté une conférence fascinante intitulée « Les Haïtiens ou les Blancs ? Colonisation et résistance, 1861 – 1863 ». Cet événement, qui s’est déroulé à l’hôtel Montana de Port-au-Prince du 14 au 16 novembre 2023, a rassemblé des chercheurs, historiens et universitaires venus de divers horizons pour discuter des luttes contre l’esclavage et la colonisation.
Au cours de sa conference, la professeure Eller a examiné les premières luttes anticoloniaux survenues en 1861, durant lesquelles les citoyens haïtiens ont joué un rôle déterminant dans la résistance à l’occupation espagnole de la République dominicaine. Bien qu’Haïti ait acquis son indépendance en 1804, les Haïtiens se sont unis aux Dominicains pour faire face à cette réoccupation, illustrant ainsi une solidarité entre les deux nations. Cette période, souvent négligée, représente un chapitre essentiel de la lutte anticoloniale dans les Caraïbes.
En s’éloignant des narrations traditionnelles qui dominent le récit du conflit entre Haïti et la République dominicaine, Anne Eller retrace l’histoire complexe de l’émancipation et de l’indépendance dominicaine entre 1822 et 1865. Elle va au-delà des écrits des élites dominicaines, qui présentent souvent une vision limitée de l’identité nationale, pour proposer des perspectives inclusives et accessibles.
La professeure souligne que la résistance populaire était profondément ancrée dans une culture politique riche, où Haïtiens et Dominicains ont favorisé un engagement collectif pour la liberté dans les Caraïbes, l’abolition de l’esclavage et la démocratie populaire, souvent en dehors des structures étatiques.
À la lumière de cette histoire commune, la professeure Eller conclut son intervention en affirmant que, bien que certains responsables dominicains aient tenté de réécrire cette histoire pour des raisons nationalistes, de nombreuses traces de cette solidarité subsistent. Les luttes partagées des Haïtiens et des Dominicains restent gravées dans la mémoire collective et illustrent les efforts conjoints pour s’opposer à l’oppression coloniale.
Ce colloque visait à mettre en avant le rôle crucial d’Haïti dans la lutte contre l’esclavage. Organisé par le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (RUEH) et le Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes (MAEC), cet événement a eu lieu à Port-au-Prince, rassemblant des spécialistes de divers domaines. Pendant trois jours, les participants ont discuté de thèmes tels que l’émancipation des peuples, l’héritage de la Révolution haïtienne, et les défis contemporains liés à la mémoire de l’esclavage. La richesse des échanges et la diversité des interventions ont permis de réaffirmer la place essentielle d’Haïti dans l’histoire des luttes pour la liberté à l’échelle mondiale.
En somme, la présentation d’Anne Eller a non seulement apporté un nouvel éclairage sur une période souvent méconnue de l’histoire anticoloniale, mais a également mis en évidence la nécessité de revisiter les récits historiques pour y inclure les voix des acteurs populaires. Cette conférence a réaffirmé la solidarité historique entre Haïtiens et Dominicains, tout en soulignant leur contribution collective à l’émancipation des peuples des Caraïbes.