Cet article est publié à l’occasion du premier anniversaire du Colloque International sur la Contribution d’Haïti à l’Émancipation des Peuples dans le cadre de la Lutte Globale contre le Colonialisme et l’Esclavage, organisé par l’Université d’État d’Haïti (UEH) et le Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes (MAEC).
Le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (RUEH) et le Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes (MAEC) ont organisé un colloque international du 14 au 16 novembre 2023 à l’hôtel Montana, sur le thème « Contribution d’Haïti à l’émancipation des peuples dans le cadre de la lutte contre l’esclavage ». Parmi les interventions, celle du Dr Quisqueya Lora, professeure à l’Université Autonome de Santo Domingo (UASD), a porté sur l’impact de la Révolution haïtienne dans les Grandes Antilles, illustrant Haïti comme un acteur central dans la propagation des idéaux abolitionnistes et républicains.
Dans sa présentation, Dr Lora a souligné que la Révolution haïtienne n’a pas seulement été une lutte pour l’indépendance d’Haïti, mais aussi un moment décisif pour l’ensemble de la région. Selon elle, bien avant 1804, la lutte pour l’émancipation avait déjà pris forme dans la partie espagnole de Saint-Domingue. Dès 1793, les fondateurs de la révolution haïtienne ont cherché à étendre leurs idéaux de liberté sur l’ensemble de l’île, en s’alliant avec la partie orientale, alors sous contrôle espagnol.
Dr Lora a rappelé qu’en 1801, Toussaint Louverture s’est emparé de la partie espagnole de Saint-Domingue. Cette intervention a marqué un tournant important pour l’émancipation des Noirs dans cette région. En introduisant les principes républicains et en ouvrant la voie à la participation des Noirs dans les affaires politiques, Louverture a jeté les bases de la fin de l’esclavage sur toute l’île.
Cette historienne a souligné que Louverture ne s’est pas limité à une simple conquête militaire, mais a apporté des réformes politiques profondes visant à inclure les Noirs dans les institutions publiques, une initiative inédite à l’époque.
Deux ans plus tard, en 1803, Jean-Jacques Dessalines est à son tour intervenu dans la partie orientale, chassant les troupes françaises et consolidant l’idée que l’ensemble de l’île devait être libéré de l’oppression coloniale. Pour Dr Lora, ces deux interventions, celles de Louverture et de Dessalines, ont marqué le début d’un mouvement plus vaste visant à l’unification de l’île et à l’abolition de l’esclavage.
En 1822, l’unification de l’île sous Jean-Pierre Boyer a été l’aboutissement de cette vision. Dr Lora a souligné que Boyer, dès son arrivée dans la partie orientale, a proclamé l’abolition totale de l’esclavage. Selon elle, cette déclaration était une continuité directe des idéaux révolutionnaires portés par Louverture et Dessalines.
Boyer a également œuvré pour abolir les discriminations raciales, permettant aux hommes de couleur d’obtenir des droits citoyens, un fait marquant dans la région. Dr Lora a rappelé que ce progrès en matière de droits civiques contrastait fortement avec la situation aux États-Unis, où les Afro-Américains n’ont obtenu la pleine citoyenneté qu’après la guerre de Sécession.
L’intervention de Dr Lora a également souligné que l’influence de la Révolution haïtienne ne s’est pas limitée à l’île de Saint-Domingue. Selon elle, les idéaux abolitionnistes et républicains propagés par Haïti ont eu des répercussions dans toute la région des Grandes Antilles. Bien que certaines pratiques esclavagistes aient perduré de manière marginale et illégale, la pression exercée par Haïti a accéléré leur disparition. Progressivement, les anciens esclaves sont devenus des travailleurs sous contrat, marquant ainsi la fin définitive d’un système oppressif.
Pour Dr Lora, Haïti a ainsi non seulement été le premier État noir indépendant, mais également un modèle de lutte pour l’émancipation dans les Caraïbes. La Révolution haïtienne, avec l’unification sous Boyer, a représenté un catalyseur pour les mouvements abolitionnistes dans la région des Grandes Antilles, renforçant l’idée que la liberté devait être accessible à tous les peuples opprimés.
Ce colloque international a permis de rappeler le rôle central d’Haïti dans l’histoire de la lutte pour l’abolition de l’esclavage. La professeure montre que la Révolution haïtienne et l’unification de l’île sous Boyer illustrent le succès de l’abolitionnisme et du républicanisme dans les Grandes Antilles. À travers cet événement, Haïti a démontré sa capacité à influencer non seulement la région, mais aussi le monde, en étant un phare de l’émancipation pour les peuples opprimés.
Par la qualité des différentes interventions, ce colloque réaffirme l’importance d’étudier et de commémorer cet héritage, afin de mieux comprendre les enjeux contemporains liés à la liberté et à la justice sociale.