L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) recommande la mise en mouvement de l’action publique contre l’ancien Sénateur Nenel Cassy, pour fausse déclaration de patrimoine et enrichissement illicite, dans un rapport d’enquête rendu public le mercredi 15 novembre 2023, et remis au Commissaire du Gouvernement Edler Guillaume, .
Les données et informations recueillies au cours des investigations des enquêteurs de l’ULCC montrent que l’ex sénateur des Nippes ne s’était pas conformé aux formalités de déclaration de patrimoine prévues dans la loi du 12 février 2008 portant déclaration de patrimoine par certaines catégories de personnalités politiques, de fonctionnaires et autres agents publiques. De fait, élu sénateur de la République à deux reprises, en 2006 et en 2015, le sénateur CASSY avait tout fait pour se soustraire à cette obligation de déclaration de patrimoine, selon l’ULCC.
Élu sénateur, Cassy devait déclarer l’état de son patrimoine dans un délai de quatre-vingt dix (90) jours. Cependant, jusqu’à la fin de son mandat, suivant les données de l’enquête, il n’avait jamais rempli cette formalité. De plus, avant sa deuxième élection au poste de sénateur, M. Cassy était consultant à la Primature et se trouvait, à ce titre, assujetti à l’obligation légale de déclaration de patrimoine. Mais, là encore, M. Cassy avait foulé aux pieds les prescrits légaux en se contentant de faire sa déclaration de patrimoine de sortie sans avoir fait au préalable celle d’entrée.
La commission d’enquête signale par ailleurs que M. Cassy avait eu recours au même stratagème pour son second mandat de sénateur. En effet, au mépris des dispositions des articles 8.1 et 8.2 de la loi du 12 février 2008, M. Cassy a attendu la fin du mandat pour faire la déclaration de son patrimoine de sortie sans avoir effectué, sans doute pour des raisons inavouables, sa déclaration de patrimoine d’entrée.
Pour les besoins de l’enquête, bien qu’elles aient été faites en dehors des prescrits légaux, les investigateurs de l’ULCC ont pris soin d’analyser minutieusement les deux (2) déclarations de patrimoine de sortie effectuées par M. Cassy. Ce travail d’analyse leur a permis de relever un certain nombre d’omissions et d’inexactitudes dans les déclarations de patrimoine, en particulier dans celle faite en septembre 2022 à la sortie de sa fonction de sénateur.
Entre autres, en ce qui a trait aux comptes bancaires, l’ancien sénateur Cassy dans le formulaire de déclaration de sortie rempli en 2022, n’a déclaré que deux (2) comptes bancaires domiciliés à la BNC. Or les enquêteurs de l’ULCC ont pu découvrir à partir des documents obtenus auprès des institutions financières que Cassy et sa conjointe, Mme Katrine Chery Cassy, possédaient quatre (4) autres comptes.
D’importantes transactions bancaires réalisées sur les comptes bancaires des époux Cassy
D’un côté, la commission d’enquête a constaté que d’importantes transactions bancaires ont été réalisées sur les comptes bancaires des époux Cassy durant la période 2016-2017, notamment sur un compte bancaire libellé en dollar américain et domicilié à la UNIBANK et sur un autre compte libellé en gourdes, domicilié à la BNC. Elle précise que jusqu’au 31 décembre 2015, avant l’entrée en fonction du sénateur Cassy, le solde du compte bancaire domicilié à la UNIBANK était de quinze mille trois cent vingt-neuf et 74/100 (15,329.74) dollars américains.
Cependant, du 22 février au 3 mai 2016, la commission s’est rendue compte sur la base des documents reçus de la UNIBANK que le total des dépôts effectués sur ce compte avait atteint la somme de quarante-trois mille neuf cents et 00/100 (US$ 43,900.00) dollars, soit deux millions sept cent cinquante-quatre mille sept cent vingt-quatre (2.754,724.06) de gourdes.
Dans l’espace d’un seul jour, soit le 3 mai 2016, M. Cassy a effectué quatre (4) dépôts différents équivalant à un montant total de vingt-neuf mille six cents et 00/100 (29,600.00) dollars américains, soit un million huit cent trente- sept mille deux cent soixante-quatorze et 96/100 (1, 837, 274.96) gourdes (avec le taux de 62.0701 gourdes pour 1 dollar). Il a dû multiplier ce jour-là le nombre des dépôts pour se soustraire à l’obligation de déclaration de provenance de fonds prescrite par la loi du 11 novembre 2013 sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
L’ULCC fait remarquer que l’ancien directeur du BMPAD, Patrick Noramé qui a été, recommandé par l’ancien sérateur Cassy, a exercé sa fonction durant la période allant de mai 2016 à avril 2017.
D’un autre côté, la commission dit avoir également constaté qu’au cours de ce même exercice 2016-2017, des transactions importantes ont été réalisées sur un compte domicile à la BNC et libellé en gourdes. En effet, des dépôts considérables uns commune mesure avec les revenus réguliers des époux Cassy ont été effectués quasiment chaque mois sur ce compte. Le nombre total des dépôts a donc atteint au cours de cet exercice la somme de vingt-neuf millions six cent vingt-huit mille quatre cent quarante-neuf et 42/100 (29. 628 44942) gourdes. Cela se trouve donc en nette disproportion avec les revenus légitimes des époux Cassy estimés pour cet exercice à dix millions cent trois mille sept cent cinquante et un et 50/100 (10, 103,751.50) gourdes.
En outre, au cours de la même période 2016-2017, précisément dans les dates respectives de 30 septembre 2016 et de 3 février 2017, l’ex-sénateur Cassy a effectué deux (2) placements à la Banque de la République d’Haïti (BRH) communément appelés « Obligations BRH pour un montant global de quinze millions de gourdes (15,000,000.00) chacon. Ces placements ont donc été opérés à partir d’un retrait de quinze millions de gourdes (15,000,000.00) effectué le 30 september 2016 sur un compte bancaire en gourdes domicilié à la BNC.
Une augmentation substantielle du patrimoine de Nenel Cassy
L’analyse des transactions financières faites sur un compte domicilié à la UNIBANK, libellé en dollars américains et sur un autre compte domicilié à la BNC, libelle en gourdes, appartenant à M. Nenel Cassy, a permis de constater une augmentation substantielle de son patrimoine durant l’exercice fiscal 2016-2017. Celle-ci se trouve donc en nette disproportion par rapport aux revenus réguliers de l’ancien sénateur estimés au cours de ce même exercice à dix millions cent trois mille sept cinquante et un er 50/100 (10, 103,751,50) gourdes.
A ce propos, le calcul opéré par la commission d’enquête a permis de constater qu’au cours de cette période 2016-2017, le patrimoine de l’ancien sénateur Cassy a subi une variation à la hausse de l’ordre de vingt-huit millions vingt-cinq mille quatre cent soixante-dix et 82/100 (28.025.420.82) gourdes, soit une augmentation exponentielle de 277%.
Lors de son audition, M. Cassy a eu vraiment du mal à justifier cette augmentation de son patrimoine durant son mandat, notamment durant l’exercice fiscal 2016-2017.
Les explications qu’il a données à la commission d’enquête de l’ULCC sont donc loin d’être convaincantes. En effet, il a laissé entendre que la plupart des transactions enregistrées sur ses comptes bancaires ont été effectuées d’un compte à un autre à partir des revenus reçus de l’État haïtien à titre d’inspecteur douanier ou de sénateur de la République. Il a prétendu en outre que les rares transactions hors- banques qu’il a réalisées sur ses comptes se réduisaient à de petits dépôts de peu de valeur.
Cependant, ces déclarations de M. Cassy se trouvent démenties par les données de l’enquête, en particulier celles relatives au dépôt d’un montant de quarante-trois mille neuf cents et 00/100 (US$ 43,900.00) dollars effectué du 22 février au 3 mai 2016 sur le compte domicilié à la UNIBANK. Elles sont contredites également par les gros dépôts enregistrés quasiment chaque mois au cours de l’exercice 2016-2017 sur le compte domicilié à la BNC, dépôts dont le montant total se chiffre, comme nous l’avions dit, à vingt-neuf million six cent vingt-huit mille quatre cent quarante-neuf et 42/100 (29,628,449.421 gourdes.
Au regard de ces faits, la commission estime que M. Cassy n’a pas été capable de « raisonnablement justifier l’augmentation disproportionnée de son patrimoine par rapport à ses revenus légitimes ». Il devra donc être poursuivi pour enrichissement illicite, ce, conformément aux dispositions de l’article 5.2 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption.