Comme beaucoup de pays voisins des Caraïbes, Haïti est situé dans une zone particulièrement menacée par les cyclones et les tremblements de terre. D’ailleurs Haïti rentre actuellement dans la période la plus active de la saison cyclonique, alors que la presqu’ile Sud du pays vient d’être ravagée par un violent séisme, le 14 Août.
Avant ce dernier séisme, l’histoire retient les Cyclones Hazel (1954), Flora (1963), Cléo (1964), Ines (1966), Allen (1980), Gordon (1994), Georges (1998), Ivan (2004), Jeanne (2004), les pluies torrentielles sur le Sud-Est (2004), Fay, Gustav, Hanna, Ike (2008), Matthew (2016) et les séismes du 12 janvier 2010 avec ces 300 000 morts aussi bien que celui de 1842 ayant décimé la moitié de la Population du Cap-Haitien, sans compter des dizaines de séismes documentés avant 1842 et celui de port-de-Paix en 2016.
Autrement dit, les risques et les désastres qu’encourt le pays comme les tremblements de terre, les cyclones, les tempêtes tropicales, les glissements de terrains, les éboulements, les inondations, entre autres, sont liés en grande partie à notre position géographique, notre topographie et à notre condition géologique.
Si pour certains, cette situation est prioritaire, pour d’autres c’est juste un problème comme tous les autres, une punition du « BonDieu » à cause de nos péchés et l’une des solutions récurrentes et inadaptées proposées est la fameuse « Pray for Haïti » ! Pour un pays fortement religieux, sous l’influence de nombreux faux prophètes et très limité au niveau de l’instruction et de la connaissance des réalités scientifiques, cette proposition aide à attendre – si tel est le cas – une autre catastrophe qui peut surgir à n’importe quel moment.
S’accrochant donc à cette vision, la majeure partie des catastrophes naturelles sont automatiquement assimilées à une malédiction de Dieu à laquelle nous sommes soumis et qu’on ne peut contrecarrer. Dès lors à chaque catastrophe, on devient encore plus religieux. Mais, sommes-nous les seuls au monde à subir des catastrophes naturelles ? Pourquoi, étant confrontés aux mêmes situations, d’autres pays et encore particulièrement non chrétiens , Haïti compte beaucoup plus de victimes ? Sommes-nous les plus maudits de la planète ?
Avec Dieu ou pas, si on ne s’adapte pas, on disparait…
On a tous, au moins une fois dans notre vie, entendue parler de la notion d’adaptation. En effet, celle-ci correspond à la mise en accord d’un organisme vivant avec les conditions qui lui sont extérieures. Plus que jamais, ce concept a tout son sens pour Haïti, car au lieu de nous remettre à Dieu ou à notre sort, il est impératif de nous adapter aux conditions géographiques et géologiques de notre pays.
L’exemple idéal pour une illustration est le Japon. Situé à la jonction de quatre plaques tectoniques, le pays subit 20% des séismes les plus violents enregistrés dans le monde. On estime qu’il subit une secousse toutes les 5 minutes. Conscients de l’urgence et de la nécessité d’une prise de décision pour faire-face à leur situation, ils ont mis en place des systèmes de protection antisismique, des plans de prévention et investissent dans la formation de leur population afin de se protéger et de sauver des vies.
Si le Japon n’est pas maudit, Haïti ne l’est pas non plus. Ici, par contre, nous faisons face à nos erreurs et nous les payons de la vie de nos frères et de nos sœurs. Il est nécessaire de démystifier les phénomènes naturels afin de comprendre qu’en réalité, nous faisons face à un déficit de constructions et d’infrastructures appropriées bâties selon les normes parasismiques, à l’occupation anarchique de l’espace urbain par la population, aux nombreuses irrégularités constatées mais méprisées dans le domaine de l’urbanisme et surtout le manque de prévention et de formation continue de la population.
On a la garantie que les mêmes causes produisent les mêmes effets et aujourd’hui encore on a la possibilité de rebâtir notre pays. On a le choix de rester passifs de reprocher le ciel de nos maux comme nous l’avons fait il y a 11 ans, ou saluer la mémoire de ceux qui nous ont laissé en leur promettant que cette fois, on a appris de nos erreurs et que nous allons prendre les décisions qui s’imposent.
En somme, on ne peut changer la position du territoire mais on peut contrôler nos constructions, on ne peut prévenir les tremblements de terre mais on peut organiser notre comportement face à eux. On ne peut changer la réalité géographique et géologique d’Haïti, mais on peut s’adapter.
Au fait, qui ne s’adapte pas, disparait….
Emmanuella E. Michel