Jovenel Moise seul face à la mort.
Les assassins sont dans la chambre du Président de la République. Le Président est criblé de balles. Au moins 12, selon le juge de paix qui a constaté le forfait. L’œil gauche crevé, une balle au front, les côtes cassés, les bras cassés, les pieds cassés, une plaie béante de près de 15 centimètres sur l’avant-bras droit. Traitement inhumain et dégradant dans toutes ses largeurs…
Les agents de sécurité du Président de la République, les bras croisés. Selon l’ancien Sénateur de la République, Gabriel Fortuné, « le Président a été livré… par son parrain ». L’ancien Sénateur Steeven Benoit, fait quant à lui, des agents de sécurité du Président « ses assassins ». Le commissaire du gouvernement, qui n’a pas pu entendre les chefs de la sécurité présidentielle Jean Laguel Civil et Dimitri Hérard, les qualifie de « présumés assassins du Président » en émettant à leur encontre des ordres d’interdiction de départ. Ils sont depuis au Pénitencier National.
Selon le dernier rapport de Léon Charles, Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti (PNH), sur les avancées de l’enquête, 44 personnes ont été arrêtées dont 18 militaires colombiens à la retraite et 12 policiers haïtiens. Parmi ces derniers, « 4 sont directement impliqués » dans l’assassinat. Ces personnes arrêtées ont donc permis de perquisitionner une vingtaine de locaux ou de maisons. Des centaines d’armes, des milliers de cartouches et d’autres objets militaires ont été récupérés.
Pour le coup, le « international médical center », espace appartenant à Samir Handal et servant de quartier général à Christian Emmanuel Sanon, personnage central de l’enquête, a été vérifié à la loupe. Des armes et des munitions ont été saisies ainsi qu’une quinzaine de passeports palestiniens au nom de Samir Handal et de deux autres personnes. Si Samir Handal, objet d’un mandat d’amener, a quitté le territoire national escorté de policiers vers l’aéroport International Toussaint Louverture, Sanon a été la première personne arrêtée après l’arrestation des colombiens.
Autrement, parmi les maisons fouillées, deux (2) appartiennent à l’ancien Sénateur de l’Ouest, John Joël Joseph, et une autre à l’ancienne juge à la cour de cassation Wendelle Coq Thélot, considérés parmi les auteurs intellectuels, au rang d’un ancien employé du Ministère de la Justice, Joël Felix Badio, qui serait le chef de l’opération. Ils sont tous recherchés par la Police Nationale d’Haïti.
La grande majorité des assassins sont encore libres.
Selon plusieurs médias colombiens, Joël Felix Badio serait l’un des cerveaux de l’assassinat et aurait donné l’ordre d’assassiner le Président. Alors que la police nationale poursuit ses traces, des mandats d’amener pleuvent contre des politiques et des religieux. Le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Bed-Ford demande à la Direction Centrale de la Police Judiciaire de conduire par devant lui, les pasteurs Gérald Bataille et Gérard Forge, et les politiques Paul Dénis, ancien ministre de la justice et Liné Balthazar, Président du Parti PHTK qui a porté Jovenel Moise au pouvoir.
En attente de confirmer ou de déterminer les véritables auteurs intellectuels et les financeurs de l’opération, le dossier a été transféré au cabinet d’instruction. Aucun juge ne souhaite instruire l’affaire, pour l’instant. Selon toute vraisemblance, par peur de représailles. Le juge de paix et les greffiers qui ont fait le constat, après l’assassinat, ont reçu des menaces de morts. Est-ce pourquoi, en autres raisons, le Ministre des Affaires étrangères Claude Joseph sollicite, au nom du gouvernement haïtien, le support des Nations-Unies par la constitution d’une commission d’enquête internationale pour complémenter les travaux et efforts des instances nationales.
Dans sa correspondance adressée au Secrétaire Général des Nations-Unies, tout en affirmant sa confiance dans l’intégrité, le sérieux et le professionnalisme des agents impliqués dans la conduite de l’enquête, celui qui avait géré ad intérim le gouvernement durant plus de deux mois attire l’attention du Secrétaire Général sur les limites et les faiblesses ainsi que le manque d’expérience du système judiciaire haïtien en matière de traitement de dossier d’une telle envergure.
Selon lui l’assassinat du Président Moïse, par la présomption de la participation de ressortissants de pays étrangers dans le financement, la planification et la mise en œuvre de cet acte odieux et crapuleux ; relève d’un crime international, dont la clarification et la répression appellent à la solidarité internationale. En effet, n’est-ce pas en partie d’anciens informateurs de la DEA et la CIA des Etats-Unis qui ont commis le forfait ? N’est-ce pas CTU Security LLC, une firme enregistrée/basée à Miami et propriétaire d’un vénézuélien, qui a recruté les mercenaires ? N’est-ce pas une entreprise américaine qui a mis de l’argent à disposition pour l’assassinat ?
Antonio Intriago, le propriétaire vénézuélien de la firme CTU Security LLC, par l’intermédiaire de ses avocats, a assuré que « le plan auquel il a participé visait à obtenir un changement de gouvernement par le biais d’un projet d’infrastructure humanitaire, avec l’appui de puissants hommes d’affaires locaux ». « Aucun plan d’assassinat n’était à l’ordre du jour », a-t-il précisé, arguant que le Bureau Fédéral d’investigation des Etats-Unis (FBI) était au courant.
« On a comploté contre toi, te condamnant à mourir dans la barbarie et la cruauté. Toi si indulgent avec les autres, tu as connu la haine, ils t’ont jeté leur venin pour assassiner ton caractère. Toi, toujours si loyal envers eux, tu as été abandonné et trahi », a pleuré Martine Moise. « Les rapaces courent encore les rues, leurs griffes et leurs corps ensanglantés sont encore à la recherche de proies. Ils ne se cachent même pas, ils sont là à nous regarder, à nous écouter, espérant nous faire peur. Leur soif de sang ne s’est pas encore étanchée … », a dénoncé l’ancienne Première Dame, lors des funérailles du président. Des propos qui resonnent aujourd’hui encore avec la même actualité.