L’Evasion qui a eu lieu, le 25 février 2021, à la prison civile de la Croix-des-Bouquets a préoccupé la Fondasyon Je Klere (FJKL). Pour mieux cerner ces événements qui ont occasionné selon les autorités haïtiennes, la mort de près d’une trentaine de personnes et l’évasion de plus de 200 prisonniers, l’organisme de défense des droits humains affirme avoir dépêché une délégation sur les lieux le lendemain et les jours qui ont suivi le drame. Dans un rapport publié récemment, l’institution présente les faits et analyse la responsabilité des concernés dans ce qui s’est passé à ce centre carcéral.
La FJKL dresse un tableau expliquant que la mutinerie suivie de l’évasion qui a eu lieu à cette prison civile n’a pas été une surprise car, dit-elle, cette dernière a connu plusieurs évasions et tentatives d’évasion avant les événements du 25 février 2021. Selon ce rapport, ce centre carcéral, depuis son inauguration le 28 octobre 2012, a connu 6 tentatives d’évasion, dont le cinquième date du 1er janvier 2021 en prélude à ce sixième qui arrive à un moment où le pays fait face à une recrudescence de l’insécurité.
Contrairement au bilan présenté par les autorités étatiques le lendemain de ce drame, la FJKL affirme qu’il est difficile de présenter un bilan définitif des évènements survenus à la prison civile de la Croix-des-Bouquets par le fait que jusqu’à date l’appel numérique n’a jamais été effectué à la prison. En fait, les responsables de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) ont déplacé les archives de l’établissement et ne les ont toujours pas encore retournées pour faciliter l’appel. Aussi, aucune fouille n’est encore effectuée à la prison et le contrôle numérique réalisé ne permet pas de dresser un bilan avec précision.
Toutefois, l’organisme de défense des droits humains dit être en mesure de présenter un bilan provisoire sur ces événements. Selon les informations qu’il dispose, le nombre provisoire des personnes tuées s’élève à 27, dont le directeur de la prison, l’Inspecteur divisionnaire Paul Hector Joseph et Arnel Joseph tué à l’Estère dans le département de l’Artibonite au lendemain de l’évènement, dans des échanges de tirs avec des policiers. A la faveur de ces événements,10 personnes ont été blessées et 445 prisonniers évadés, alors que 59 ont été arrêtés de nouveau par la Police.
Quant à l’évaluation des pertes en matériels à cet établissement pénitentiaire, c’est un exercice difficile pour la fondation. Cependant, elle présente une quantité de matériels interdits retrouvés sur le toit et sur la cour de la prison. Ce sont, « 5 revolvers de calibre 9 mm sans minutions, 2 fusils à gaz, 7 téléphones, 10 couteaux, une machette, 3 trousseaux de clefs, 1 extincteurs, 10 boites de cartouches pour fusils M-4, 17 boites de cartouches pour fusils 12, 149 unités de cartouches de calibre 12, 4 projectiles à gaz, 2 bâtons PR-24, 1 chargeur 9 mm, 4 boites contenant de la marijuana et 4 barres de tuyau1/2 ». Elle précise que les pertes sont tellement considérables pour les agents de la DAP au point qu’ils travaillent maintenant sans uniformes.
Négligence coupable de la DAP et des autorités de l’Etat…
Se basant sur une approche des droits humains, l’analyse de la Fondasyon Je Klere sur ces événements révèle que la principale cause des tensions et des émeutes à répétition dans ce centre carcéral relève de la violation par Haïti des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 14 décembre 1990.
« Les détenus de cette prison ne sont pas traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérente à l’être humain. Ces derniers ont reçu de l’Etat haïtien, toutes les 24 heures, un plat sans qualité nutritive et en quantité insuffisante, ils ne peuvent même pas se recréer journellement et conformément aux principes préétablis. A la prison la génératrice ne fonctionne pas toujours faute de carburant. Donc, elle ne peut pas être éclairée le soir et il est difficile d’alimenter la prison en eau le jour, ce qui est de nature à priver les détenus le droit de prendre son bain tous les jours. », rapporte la FJKL, alors que « les détenus soupçonnent les autorités pénitentiaires de détournement de nourriture et de carburant, entres autres », précise la FJKL.
Selon ce rapport, cette situation est à la base d’un commerce florissant à l’extérieur de la prison qui n’est jamais clarifié. A cela s’ajoute la détention préventive prolongée, une violation du droit des détenus à être jugés dans un délai raisonnable selon la Fondation qui est convaincu que tout ceci est de nature à alimenter les tensions et les émeutes dans les prisons. En outre, les éléments interdits énumérés ci-dessus ont été trouvés à l’intérieur de la prison, entre autres, permettent à l’organisme de défense des droits humains de conclure que le drame survenu à ce centre carcéral est le fruit de la complicité des agents et autorités pénitentiaires.
De ce fait, la Fondasyon Je Klere recommande au commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de la croix-des-Bouquets, Me Edler Guillaume de mettre l’action publique en mouvement contre les auteurs, complices de cette évasion spectaculaire pour que toute la lumière soit faite sur cette question; à l’Unité de Lutte Contre la corruption (ULCC) de diligenter une enquête sur les actes de corruption entourant la gestion du système pénitentiaire haïtien; au responsable de la DAP d’accorder une attention particulière aux traitements des détenus; au Ministère de la Justice d’adresser de manière sérieuse la problématique de la détention préventive prolongée et au pouvoir judiciaire de respecter les droits des détenus à être jugés dans un délai raisonnable.
Shelovenie Jean