Monsieur le Secrétaire Général de l’OEA Excellence Luis Almagro
Monsieur l’Ambassadeur
Les Dirigeants des Partis Politiques de l’Opposition sont inquiets de la dégradation de l’environnement socio-politique en Haïti et viennent vous présenter l’état des lieux qui méritent que les organismes internationaux dont Haïti est membre soient mieux informés aux fins d’orienter leurs prises de position dans le futur.
Depuis le deuxième Lundi du mois de Janvier, Haïti est sorti de la charte démocratique des Etats Américains. Le Président de la République, en ayant sciemment refusé d’organiser les élections comme l’exige la Constitution de 1987 amendée, se donne la latitude de gérer à coup de décrets. La démocratie est donc mise en veilleuse. Cette réalité, pour le moins inquiétante, bouleverse les démocrates- tant ici qu’ailleurs- qui constatent le retour à la dictature dans sa forme la plus abjecte. C’est un fait que le Président Moise a dévoilé ses dérives autoritaires tout au long de son quinquennat. Mais la fin de la 50ème législature, constatée avec jubilation par Monsieur Moise, lui a donné une ferme assurance de mettre ses projets à exécution.
En se croyant le seul maitre à bord, il a nommé des créatures acquises totalement à sa cause au sein de son Conseil Electoral Provisoire. Ce CEP n’a pas pu prêter serment par devant la cour de cassation pour des raisons d’ordre constitutionnel. En effet, par arrêté publié dans le Journal Officiel le Moniteur en date du 18 Septembre 2020, le CEP de Monsieur Moise a pour mandat : d’organiser le référendum constitutionnel afin de doter le pays d’une nouvelle constitution ; d’organiser les élections locales, municipales, législatives et présidentielles ; d’organiser les élections pour les postes vacants ou qui pourraient le devenir en attendant l’établissement du Conseil Electoral Permanent. La constitution haïtienne en son article 284-3 stipule ce qui suit : Toute Consultation Populaire tendant à modifier la Constitution par voie de Référendum est formellement interdite.
En se croyant investi de la puissance publique, il veut anéantir la Constitution de 1987 pour la remplacer par une nouvelle taillée sur mesure. A ce compte, il a nommé par décret une commission chargée d’en proposer une nouvelle.
En se croyant le seul maitre à bord, il a installé une armée de terreur pour asseoir son pouvoir personnel. Dès lors, Les gangs armés se multiplient partout dans le pays et sont fédérés en G9 et Fanmi à l’initiative du pouvoir exécutif. Les cas de Kidnapping augmentent, les familles haïtiennes sont terrorisées, endeuillées, décapitalisées. Les organisations de droits humains ont fait des révélations terrifiantes, surprenantes lors des massacres de la Saline commandités par des officiels du pouvoir. Au Bélair, les maisons des riverains sont pillées, incendiées par les gangs du G9 et ceci en maintes occasions. Pas un mot du pouvoir. Pas une intervention de la Police. Silence absolu.
En se référant cependant à la Constitution de 1987 amendée, l’article 150 de la constitution est formel : « le président n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la constitution ».
L’article 136 lui impose le devoir de veiller au respect et à l’exécution de la constitution et à la stabilité des institutions.
Monsieur le Secrétaire Général,
La position privilégiée que les pays membres vous ont conférée fait de vous le défenseur né du respect des principes démocratiques dans tout l’hémisphère. Les Partis et regroupements politiques ne comprennent pas dans le contexte actuel l’apport inconditionnel de l’OEA et du BINUH au pouvoir absolu de Monsieur Moise.
En dépit du fait que la situation se détériore, arrive à son pourrissement, en dépit du fait que les pouvoirs de l’Etat sont disloqués, que le kidnapping est devenu affaire d’Etat, que l’Exécutif n’a jamais organisé les élections conformément à la constitution, que les droits fondamentaux sont systématiquement violés, bafoués, l’OEA apporte aujourd’hui tout son appui technique à l’actuel Conseil Electoral Provisoire de Jovenel Moise. L’organisation hémisphérique a mis à la disposition de son conseil électoral provisoire le nicaraguayen César Acuna.
Pourtant, la Charte de l’Organisation des Etats Américains proclame, sans nuance, sa foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme considère qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.
Monsieur le Secrétaire Général,
A moins de quarante jours de la fin du mandat du Président Jovenel Moise, soit le 7 Février 2021 conformément à l’article 134.2 de la constitution haïtienne de 1987, les Partis et regroupements politiques ne se lassent pas de faire ressortir le caractère antidémocratique et autoritaire du régime actuel. Les forces démocratiques se battent pour le respect des droits fondamentaux de la personne humaine.
Au nom de la Constitution de 1987 amendée, au nom de la charte de l’OEA, au nom de la charte de l’Organisation des Nations Unis, au nom de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen ils exercent leurs droits à la vie, ils veulent le fonctionnement et le respect d’un Etat de droit, ils défendent leurs intérêts en tant que nation libre et souveraine.
Ils puisent leur mandat dans le préambule même dans la loi mère en ses points 1 et 6 qui se lisent respectivement comme suit :
« Le peuple proclame la présente constitution pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et la poursuite du bonheur »
« Le peuple proclame la présente constitution pour assurer la séparation et la répartition des pouvoirs de l’Etat au service des intérêts fondamentaux et prioritaires de la nation »
Monsieur le secrétaire Général,
Le Président Moise a créé un vide politique en choisissant d’ignorer la voie tracée par la Constitution amendée de 1987. Les Partis et regroupements politiques sont en train de préparer l’après Jovenel : la marche inévitable vers la transition. Ils dénoncent de toute leur force le mépris envers le peuple haïtien Le 7 Février 2021 sonnera le glas de ce régime tyrannique, sanguinaire. A partir de cette date, débutera en Haïti une ère nouvelle. Au nom des principes démocratiques, l’OEA, le BINUH se doivent d’apporter leur contribution sans faille.
Espérant que la présente retiendra votre meilleure attention, les Partis et regroupements politiques vous prient, Monsieur le Secrétaire General, de recevoir leurs salutations distinguées.
Suivent les signatures
Edmonde Suplice Beauzile, Edgar Lebanc Fils, Youri Latortue, Sénateur Paul Denis, Sénateur Nenel Cassy, Saurel Yacinthe