« MJ, frère ! Vous aviez l’habitude de m’appeler, frère, quand vous étiez directeur de l’ULCC. Maintenant vous êtes devenu mon chef. Lorsque vous étiez titulaire de l’ULCC, vous n’étiez pas mon chef, moi non plus, mais dans une certaine mesure, c’était à moi de donner suite à vos dossiers. Aujourd’hui, la nature veut que vous soyez mon chef avec l’autorité de me donner des instructions. Je jure sur ma vie MJ, je ne le ferai pas. Que je me suicide, je ne le ferai pas. Si vous voulez, veuillez nommer un autre commissaire du gouvernement pour faire l’appel, mais moi, Jacques Lafontant, je jure que je ne le ferai pas, je vous le dis clairement ».
Voici le contenu retranscrit d’une note vocale circulant sur les réseaux sociaux attribuée à Me Jacques Lafontant, ex-Chef du parquet de Port-au-Prince, adressée au titulaire du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), Me Rockfeller Vincent fraichement nommé. Un échange réalisé au sujet de l’affaire d’Arnel Bélizaire, ancien député de Delmas, arrêté en possession d’armes illégales, pour lequel dossier la juge d’instruction Annie Fignolé a émis une ordonnance de clôture demandant que le prévenu soit jugé au correctionnel. Selon les informations disponibles, et malgré cette note vocale signalée comme une sorte de « chantage » pour obtenir un poste pour sa femme, Me Lafontant aurait instruit un substitut commissaire du Gouvernement pour faire appel, comme l’aurait réclamé le Ministre.
Le scandale public provoqué par cette note adoptée comme de l’insubordination a conditionné la suite des évènements. Malgré que le Premier Ministre Joseph Jouthe ait minimisé le contentieux, en écartant l’idée de désaccord entre les deux hommes parlant de « frottement » et en rappelant qu’ils étaient « condamnés à travailler ensemble », tout s’écroule. Près de 72h après la circulation de la note, le Commissaire du Gouvernement a été blâmé par le Ministre de la Justice. « Je vous rappelle, Monsieur le Commissaire du gouvernement, que vous êtes un subalterne qui se doit d’exécuter tout ordre du ministère de la Justice et de la Sécurité publique dès lors qu’il n’est pas manifestement illégal. »
Sans tarder Me Lafontant démissionne en jetant du gribouillis sur la veste du Ministre. « A qui reproche-t-on la libération de plusieurs bandits impliqués dans des actes d’enlèvement, de viol et de vol de véhicules lorsqu’il était commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance du Cap-Haïtien en 2006 ? Qui a été l’objet de reproches et épinglé successivement, suivant des rapports d’enquête, dans des actes de corruption et de libération irrégulière, sous l’administration des ex-ministres Henry Marge Dorléans en 2005 et Paul Denis en 2009 ? Plus récemment, qui a été l’objet de révocation pour improductivité sous l’administration de l’ex-ministre Heïdi Fortuné ? ». Le Ministre n’a pas encore répondu.
Qui sait ? Sans la circulation de cette note vocale sur les réseaux sociaux, toutes ces questions resteraient dans les tiroirs et, presque sans doute, Me Lafontant serait encore au parquet de Port-au-Prince avec les mains sur les dossiers en « digne représentant de l’Exécutif dans le Judiciaire » comme l’avait souhaité le Ministre Vincent dans sa lettre de blâme. Et tout compte fait, en relisant la lettre de démission de Me Lafontant, on est en droit de se demander qui va s’occuper du dossier du Ministre ? Il n’est sûrement pas necessaire d’attendre de nouvelles notes vocales.
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