Nous publions ci-après, l’intégralité de l’avis de la cour Supérieur des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) concernant le budget 2019-2020, publié 4 mois avant la fin de l’exercice fiscal. La cour qui recommande au gouvernement de « conformer le – Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 – à la Constitution haïtienne en vigueur et à la loi cadre du 4 mai 2016 », relève des flous et des incohérences dans le document tout en constant « une contreperformance […] dans la mobilisation des recettes ».
Le Ministère de l’Économie et des Finances a, par lettre du 15 juin 2020, transmis à la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSCCA), « pour les suites nécessaires », un document intitulé « Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 ».
Prenant note de la nature dudit document, la CSCCA croit opportun d’y réserver une suite légale fondée sur les attributions qui lui sont dévolues en matière budgétaire tant par la Constitution que par les dispositions du décret du 23 novembre 2005 établissant son organisation et son fonctionnement, de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances et de l’Arrêté du 16 février 2005 portant règlement général de la comptabilité publique.
L’article 49 de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances précise que « La CSCCA a l’obligation de se prononcer sur la loi des finances. Son avis doit être motivé et communiqué aux deux chambres du Parlement. Il porte sur :
Le respect du cadre légal et réglementaire relatif aux ressources et aux charges ;
La pertinence des mesures à caractère fiscal et douanier ;
La cohérence budgétaire mesurée à travers l’adéquation entre les politiques poursuivies par le gouvernement et les programmes proposés au vote du parlement. ».
L’article 44 de la loi du 4 mai suscitée déterminant le calendrier d’élaboration de la loi de finances prévoit qu’au premier juin au plus tard de l’année précédant l’année budgétaire concernée, le projet de loi de finances est transmis à la CSCCA par l’Exécutif pour examen et formulation de l’avis au Parlement. Elle dispose d’un délai expirant au 30 juin de la même année pour transmettre à ce dernier, avec ampliation au Premier ministre, le rapport formulant son avis sur le projet de loi de finances.
Les dispositions constitutionnelles et légales régissant le processus d’élaboration des lois de finances étant en vigueur, le caractère inopérant de certaines d’entre elles en raison de la situation de fait dans laquelle se trouve le Parlement ne saurait soustraire la CSCCA aux obligations découlant de ses attributions de contrôle de la légalité et du respect des principes de gestion responsable des actes de l’État haïtien.
Conséquemment, le document transmis à la Cour, le 15 juin 2020, appelle les considérations suivantes :
Sur le suivi des recommandations antérieures de la Cour
Dans ses avis sur les projets de lois de finances 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019, transmis au Parlement et au Premier ministre, la Cour a attiré l’attention des parties prenantes sur la nécessité de repenser la présentation de ceux-ci de manière à les harmoniser avec le cadre légal relatif à l’élaboration et l’exécution des lois de finances, modifié d’abord par le décret du 9 octobre 2015 puis mis à jour par la loi du 4 mai 2016 traitant de ce processus. En dépit des recommandations clairement formulées en ce sens, la Cour constate que le document « Budget Général de la République d’Haïti, Exercice 2019-2020 » n’est pas en adéquation avec les dispositions encadrant l’élaboration et l’exécution des lois de finances fixées par la loi du 4 mai 2016. Cette insistance de l’Administration à vouloir opérer en marge de la loi commande le rappel des principes de l’État de droit, traduits dans la maxime « patere legem quam ipse fecisti (Souffre la loi que tu as faite toi-même » ou « subis les conséquences de ta propre loi) ».
Sur le titre du document et son statut
Le document transmis à la Cour s’intitule « Budget Général de la République d’Haïti, Exercice 2019-2020 ». Cet intitulé ne répond pas aux exigences de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances qui prévoit trois catégories de lois de finances : a) la loi de finances initiale, b) les lois de finances rectificatives et c) la loi de règlement. Le budget général n’étant, selon la loi, qu’une composante de la loi de finances (articles 5 et 10 de la loi du 4 mai 2016) ne saurait se substituer à celle-ci.
Observation 1. : Le document « Budget Général de la République d’Haïti, Exercice 2019-2020 » ne répond pas aux exigences de la loi du 4 mai 2016, notamment en ses articles 3, 5, 6, 10 et 52.
La Cour note que, conformément aux dispositions légales en vigueur, la loi de finances de l’exercice 2017-2018 rectifiée a été reconduite depuis le premier octobre 2019 et appliquée aux huit (8) premiers mois de l’exercice 2019-2020, sous réserve des dispositions des articles 3 et 53 de la loi du 4 mai 2016 suscitée autorisant le recours à des lois de finances rectificatives. La Cour comprend qu’à partir du moment où une loi de finances, reconduite au gré des dispositions de l’article 52 deuxième alinéa de la loi financière organique en vigueur, a reçu exécution sur un exercice, celle-ci devient la loi de finances de l’exercice concerné.
Il y a lieu de noter que les articles 44 et 52 conçoivent à juste titre la loi de finances comme un instrument d’autorisation préalable de gestion financière et ainsi arrêtent dans leurs dispositions qu’elle soit votée et publiée avant le début de l’exercice concerné. Aussi contiennent-ils des provisions en cas de non-vote de cette loi budgétaire dans le délai légal prescrit.
D’ailleurs, les constats rapportés dans les annexes du document « Budget Général de la République » au sujet de certains ministères et organismes qui ont déjà consommé plus de 70% de leurs crédits budgétaires de l’exercice 2019-2020, les diverses informations données dans le cadre macroéconomique relatives à l’exécution de ce budget ainsi que les mesures de régularisation qui y sont proposées enlèvent à ce dernier le caractère de budget initial prévisionnel consigné dans une loi de finances initiale.
En outre, les article 4 et 5 de la loi du 4 mai 2016 consacrent le principe d’annualité budgétaire et définissent l’exercice budgétaire comme une période débutant le premier octobre d’une année pour prendre fin le trente septembre de l’année suivante rendant ainsi légalement inconcevable l’adoption et l’exécution d’un budget général initial 2019-2020 avec effets rétroactifs à quatre (4) mois seulement de la fin dudit exercice budgétaire.
Recommandation 1. : Recadrer le titre du document « Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 » conformément aux articles 3,4,5,6,44,52 et 53 de la loi du 4 mai 2016.
Le point 1 du sommaire du document s’intitule « Texte de loi ». Or, l’adoption des lois étant encadré par des procédures législatives impératives, il est contre-indiqué d’avoir, dans un document dont la vocation n’est pas d’être votée par le Parlement, un point ainsi intitulé « Texte de loi ».
Recommandation 2. : Il y a lieu de mettre le point 1 du sommaire en harmonie avec l’acte d’adoption du document « Budget Général de la République d’Haïti, Exercice 2019-2020 »
Sur les ressources de manière générale
Il est établi par la Constitution haïtienne en vigueur (articles 218 et 219) que tout prélèvement d’impôt doit être autorisé par la loi. La levée de l’impôt résulte donc du consentement juridique de la population qui est donné par le Parlement sous forme de loi. Cette disposition constitutionnelle trouve son application dans les articles 2 et 5 de la loi du 4 mai 2016 qui fait de la loi de finances un instrument de prévision (Exécutif) et d’autorisation (Parlement).
Par ailleurs, les articles 44 et 52 de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances, tout en laissant la possibilité de recourir à des lois de finances rectificatives, conçoivent le budget comme un instrument d’autorisation préalable de gestion qui doit être adopté avant le début de l’exercice fiscal qu’il concerne. De ce fait, il se pose un problème de conciliation entre les principes notamment celui de l’annualité, les instruments légaux et les dispositions du budget général qui a été transmis à la Cour.
Recommandation 3. : Conformer le « Budget Général de la République d’Haïti, Exercice 2019-2020 » à la Constitution et à la loi-cadre du 4 mai 2016.
Les observations suivantes mettent en évidence les difficultés d’application des articles 10, 11, 12 et 13 du document « Budget Général de la République d’Haïti, Exercice 2019-2020 ».
L’article 10. Cet article prévoit un droit payable à temps (entre le 1er octobre et le 31 décembre de l’année fiscale). Les dispositions de cet article placent, dès la publication de ce document qui interviendra inévitablement après le 31 décembre, en situation irrégulière, tous les citoyens-contribuables concernés par les démarches qu’elles induisent. L’anomalie dans l’application de cette prescription tient au fait que ce document budgétaire ne prévoit aucune disposition dérogatoire ou transitoire pour avoir été adopté à seulement quatre mois de la fin de l’exercice fiscal concerné, autrement dit après la date à partir de laquelle les citoyens en possession d’une autorisation périmée ou non valide tant en la forme qu’au fond sont considérés comme contrevenants et donc passibles d’amende. Il faut bien préciser que la détention d’une autorisation de teinte présentée dans la forme habituelle donc non conforme à celle consacrée dans ce document budgétaire payante et considérée à ce titre comme acquise au moment du paiement de ce droit à la Direction Générale des Impôts (DGI) est source de tension entre les citoyens-contribuables en question et les préposés des Forces de l’ordre en charge du contrôle du respect d’une telle disposition ou de son application.
Recommandation 4. : Harmoniser les dispositions de cet article au temps réel de publication et de mise en œuvre du document.
L’article 11. Découlant directement de l’article 10, cet article présente les mêmes difficultés d’application que lui. A quel moment cet article sera-t-il mis en œuvre ?
Recommandation 5. : Il parait indiqué que les conditions d’application de cet article soient définies avec précision.
Les articles 12 et 13. Ces articles modifient des lois de finances (2002-2003 et 2014-2015) qui n’ont plus cours et dont les dispositions, devenues inexistantes, n’ont plus d’effets juridiques en vertu des articles 16 et 18 de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances et du principe d’annualité des lois de finances.
D’ailleurs, la Cour, dans tous ses précédents avis, a déjà relevé le caractère illégal de ce mode opératoire ainsi que ses effets néfastes sur le contenu et l’application du droit fiscal haïtien.
Recommandation 6. : Conformer ces articles du document budgétaire aux dispositions des articles 16 et 18 de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances.
Sur les dépenses de manière générale
Les dépenses sont, comme par le passé, présentées par poste en violation des articles 30 à 33 de la loi du 4 mai 2016 qui veulent que les crédits budgétaires soient groupés par programmes.
Recommandation 7. : Conformer les crédits du Budget Général adopté aux articles 30 à 33 de la loi du 4 mai 2016 susdite.
D’autres considérations spécifiques se rapportent aux articles suivants :
L’article 18. Cet article autorise des dépenses sur crédits évaluatifs pouvant atteindre 15% des montants initialement prévus. La Cour relève une contradiction entre les dispositions de cet article et celles de l’article 35 de la loi du 4 mai 2016 prévoyant que les dépenses sur crédits évaluatifs ne peuvent pas dépasser de 10% les montants initialement prévus. De telles dispositions sont prises en violation de celles de la loi.
Recommandation 8. : Il y a lieu d’harmoniser l’article 18 du document budgétaire avec l’article 35 de la loi du 4 mai 2016.
Les articles 21 et 24 du document budgétaire sur les entités administratives de 1er rang. La Chambre des députés dispose d’un budget en tant qu’entité administrative, mais tenant compte de la situation de fait dans laquelle se trouve cette branche du Parlement, le document ne réfère à aucune disposition habilitant une autorité administrative à engager son budget en l’absence des ordonnateurs de droit pour assurer la continuité de fonctionnement minimum de l’administration. Ce vide mérite d’être adressé.
Recommandation 9. : Régulariser la situation administrative de la Chambre des Députés au regard de son engagement budgétaire.
Sur les autres articles problématiques du budget général de la République 2019-2020.
L’article 46. L’article 46 du budget général modifie directement l’article 80 de la loi du 4 mai 2016 sans arrêter les dispositions d’inscription de cette modification dans la loi concernée. Cette modification est non seulement prise en violation de la loi financière organique en vigueur, mais également enlève le caractère formel et protecteur que revêt le passer-outre que le Ministre de l’Économie et des Finances accorde au traitement par le contrôleur financier et/ou comptable public (voir l’article 47 du budget sous revue) d’une opération de dépenses publiques jugée irrégulière. L’article 46 du budget général qui réécrit l’article 80 de la loi du 4 mai 2016, renforcé de son complément, l’article 47, élimine également les modalités d’octroi formel (à l’écrit) du passer-outre. Cette situation expose l’agent de contrôle financier à des ordres informels de la part du Ministre des finances en violation des articles 32 et 74 de l’Arrêté portant règlement général de la Comptabilité publique.
Par ailleurs, il y a lieu ainsi de s’interroger sur la capacité du budget général à modifier la loi cadre qu’il est appelé à mettre en œuvre.
Recommandation 10. : Cette modification affaiblit l’intégrité du système de contrôle interne budgétaire en place et mérite d’être régularisée pour le rétablissement de la garantie d’action et la protection légale accordée par la disposition initiale de la loi du 4 mai 2016.
L’article 48. Alors que l’article 200.4 de la Constitution prescrit que la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif est consultée sur les projets de contrats auxquels l’État est partie, l’article 48 du budget général le modifie carrément en prévoyant qu’elle (la Cour) est consultée sur les contrats de l’État. Au-delà de la violation du principe de la hiérarchie des normes, cet article créerait une confusion inutile et dangereuse.
Recommandation 11. : Conformer l’article 48 du budget général à la Constitution.
L’article 52 du document modifie directement l’article 34 du décret du 9 octobre 2015 modifiant celui du 18 février 2011 et révisant celui du 6 octobre 2004 sur la pension civile sans prendre les dispositions d’inscription de cette modification dans le texte légal approprié.
Observation 2. : Comme pour les autres modifications de ce genre, cet article crée des confusions dans le droit positif et n’aide pas le citoyen à se repérer.
L’article 64 portant sur les personnes détenant sans droits ni qualités les biens de l’État témoigne d’un État qui a perdu son autorité sur ses propres biens et qui ne dispose d’aucune politique rationnelle de gestion de son parc automobile.
Observation 3. : Cet article fait ressortir la nécessité de l’établissement d’une politique pertinente et d’une procédure rigoureuse de gestion des véhicules de l’État.
L’article 65 sur le déclassement des véhicules de l’État. Après les dispositions de son article 64 qui témoignent de l’incapacité de l’État à gérer son parc automobile et de la volonté de certains anciens hauts fonctionnaires de garder après leur temps de service les véhicules de service mis à leur disposition, le présent budget général propose, en son article 65, le déclassement des véhicules de l’État âgés de 5 ans au moins ; autrement dit, c’est un acte règlementaire de légitimation du fait dénoncé à l’article 64.
Le contenu de cet article sur lequel la Cour s’était déjà prononcée figurait à l’identique dans le projet de loi de finances 2018-2019.
La Cour est d’avis que l’État haïtien n’est pas assez riche pour se permettre de se défaire de ses véhicules âgés de 5 à 8 ans si cette action ne n’inscrit pas dans la redéfinition de la politique de transport de ses agents.
Il est important de noter que la Cour, dans son dernier rapport sur l’inventaire des biens de l’État et dans ses avis précédents sur les projets de lois de finances, avait relevé : a) une absence de stratégie dans l’acquisition des véhicules de l’État, b) l’absence d’une politique de gestion et d’entretien des biens publics, en général, et des véhicules de l’État, en particulier. Il aurait mieux fallu commencer par donner à l’Administration un cadre de gestion rationnel de ses biens, car il y a une contradiction énorme entre l’état de pauvreté du pays et les dispositions de l’article 65 visé. Quelle est la durée de vie estimative moyenne des véhicules publics ? Que va-t-il se passer quand l’État se sera débarrassé de tous ses véhicules âgés de cinq au moins ? Comment seront remplacés les véhicules dont l’État aura ainsi fait don à quelques fonctionnaires privilégiés ?
Autant d’interrogations auxquelles il y a lieu d’apporter des réponses objectives au bénéfice de la population, en général, et des citoyens-contribuables, en particulier.
Recommandation 12. : Il y a nécessité d’adapter cet article aux moyens et conditions réelles de l’État haïtien.
L’article 68 en postulant « qu’à la troisième semaine du mois d’octobre 2019, le MEF communique à la BRH le relevé de toutes les dépenses engagées au cours de l’exercice 2018-19 » est décalé par rapport à la date de présentation du document.
Observation 4. : La rédaction du budget général ne tenant pas assez compte du paramètre temps et de son intitulé est nécessairement source de confusion.
Sur la pertinence des mesures à caractère fiscal et douanier
L’exercice est extrêmement délicat de projeter dans l’avenir la pertinence de mesures fiscales et douanières portant sur un exercice déjà quasiment écoulé. L’attention devrait plutôt porter à ce stade, conformément aux procédures de contrôle budgétaire organisées par la loi du 4 mai 2016, sur l’évaluation des actions déjà posées que la Cour n’arrive pas à faire faute de disponibilité des documents administratifs et comptables. Les annexes du budget général, présenté comme un budget initial, ne s’inscrivent d’ailleurs pas dans une logique prévisionnelle mais plutôt dans cette approche évaluative. Les points 29 et 36 du document de budget général sont très éloquents en ce sens :
Point 29. « Au terme des huit (8) mois écoulés de l’exercice fiscal 2019-2020, le pays a continué à subir les contrecoups des effets des crises socio-politiques répétitives de 2018-2019 ; ce qui entrave la gestion des finances publiques et la poursuite des objectifs économiques de croissance et de stabilité des prix.
D’une manière générale :
Les importations ont chuté de même que les exportations ;
Une contreperformance a été constatée dans la mobilisation des recettes par rapport à l’objectif visé alors que les dépenses budgétaires sont en augmentation ;
Le financement monétaire est nettement au-delà de ce qui a été convenu dans le pacte de gouvernance signé entre le MEF et la BRH en novembre 2019 ;
Le taux de change, ayant connu une certaine stabilité sur les quatre (4) premiers mois de l’exercice, connait une certaine accélération à partir du mois de février 2020. »
Point 36. « En plus de conditions économiques défavorables caractérisées par une forte contraction de l’économie nationale et conséquemment de la réduction de la base taxable, les finances publiques haïtiennes sont largement affectées par la récession économique mondiale, notamment la baisse de la demande mondiale et la baisse des transferts reçus en raison des situations de confinement. »
Observation 5. : Outre le constat déjà fait par l’Exécutif au titre de la déclaration de l’insincérité de ses propres prévisions s’expliquant par ses prétentions d’augmentation de ses ressources à hauteur de 36,4% pour l’exercice 2019-2020 qui sera clos dans quatre mois, alors que, sur une base purement empirique, les prévisions des deux derniers exercices fiscaux n’ont pas été réalisées et que la tendance baissière continue à se maintenir, la Cour observe, d’une part, la fragilité de l’aide externe qui a été octroyée et distribuée ces dernières années avec parcimonie et, d’autre part, l’accentuation de la crise structurelle de l’économie nationale ajoutée à la crise politique chronique et sanitaire perturbante hypothéquant toutes les prévisions habituelles. Au fait, l’enveloppe globale du Budget Général 2019-2020, adoptée quatre mois seulement avant la fin de l’exercice, affiche des prétentions considérées comme largement irréalistes.
Sur la cohérence budgétaire mesurée à travers l’adéquation entre les politiques poursuivies par le gouvernement et les programmes proposés au vote du parlement.
Comme déjà indiqué dans ce rapport, les crédits budgétaires prévus dans le document de Budget général ne sont pas présentés dans la forme prescrite par la loi du 4 mai 2016. De ce fait, compte tenu du caractère récurrent de ce problème de présentation des dépenses publiques, la Cour reproduit ici ses observations sur ce point formulées à l’occasion de l’analyse du projet de loi de finances 2018-2019 :
« La Loi du 4 Mai 2016 demande également à la Cour de produire son analyse du projet de budget en tenant compte de l’adéquation entre les politiques poursuivies par le gouvernement et les programmes proposés au vote du Parlement. Cette possibilité n’existe pas puisque la répartition des crédits budgétaires n’est toujours pas réalisée en fonction de programmes. Les modèles de présentation de programmes présentés en annexe du Projet de Loi de Finances ne permettent pas non plus cette analyse faute de retenir suffisamment d’indicateurs de performance quantifiables et d’objectifs spécifiques. Les documents de politique n’offrent pas non plus assez d’objectifs spécifiques.
La perspective d’évaluer combien le budget est propice de mettre en œuvre les politiques du Gouvernement est si tentante qu’on serait porté à rechercher cette cohérence dans les lignes de crédits retenus dans le document. L’on déchantera bien vite, non seulement parce que les lignes de crédits ne sont pas explicites quant aux activités qu’elles devront financer, mais également l’Exposé des Motifs accompagnant le Projet de Loi n’établit pas, sur la base des politiques publiques, la relation entre crédits budgétaires, activités projetées et résultats escomptés ».
Le budget général reste donc un document muet.
Toutefois, comme pour l’exercice précédent une tentative de présentation du budget du Ministère de la sante publique sous la forme d’un budget-programme est constatée.
Cependant, la lecture des programmes budgétaires du MSPP autorise les remarques suivantes :
Aucun des programmes présentés n’a d’échéance ni d’objectifs clairement définis.
Dans les programmes présentés, la plupart des « résultats attendus » sont flous et vagues.
Aucun mécanisme de suivi-évaluation n’a été présenté dans les programmes.
Le budget présenté est plutôt opaque en ce sens qu’il ne met pas en relief les actions correspondantes.
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes sur le document « Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 » :
Recadrer le titre du document « Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 » conformément aux articles 3,4,5,6,44,52 et 53 de la loi du 4 mai 2016.
Mettre le point 1 du sommaire en harmonie avec l’acte d’adoption du document « Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 »
Conformer le « Budget Général de la République d’Haïti, exercice 2019-2020 » à la Constitution haïtienne en vigueur et à la loi cadre du 4 mai 2016.
Harmoniser les dispositions de l’article 10 au temps réel de publication et de mise en œuvre du document ;
Définir avec précision les conditions d’application de l’article 11 du document ;
Conformer les articles 12 et 13 du budget général aux dispositions des articles 16 et 18 de la loi du 4 mai 2016 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances.
Conformer les crédits du budget général aux articles 30 à 33 de la loi du 4 mai 2016.
Harmoniser l’article 18 du Budget général avec l’article 35 de la loi du 4 mai 2016.
Régulariser la situation administrative de fait de la Chambre des Députés au regard de son engagement budgétaire.
La modification portée à l’article 80 de la loi du 4 mai 2016 affaiblit l’intégrité du système de contrôle interne budgétaire en place et mérite d’être régularisée pour le rétablissement de la garantie d’action et la protection légale accordée aux Contrôleurs financiers/Comptables publics.
Conformer l’article 48 du budget général à l’article 200.4 de la Constitution.
Adapter l’article 65 du document portant sur le déclassement des véhicules de l’Administration aux moyens de l’État.
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Me Rogavil BOISGUENE
Président du Conseil