On est au début du 19 siècle, une époque où l’église jouait un rôle prépondérant dans l’animation de la société. Une période où la France, de laquelle Haiti vient de déclarer son indépendance, a été qualifiée de ‘’civilisation paroissiale’’, par certains sociologues en faisant allusion au nombre de paroisses construites pendant cette période. Les symboles religieux étaient expression de grandeur…
C’est dans ce contexte particulier que Christophe entreprit de construire un ensemble d’édifices comme symbole de sa force et de sa vision comme chef d’État d’abord, et Monarque du royaume du Nord, un peu plus tard. Du nombre des constructions imposantes du Roi bâtisseur, figure la chapelle royale de Milot, érigée au chevet du palais Sans Souci.
Cette construction réalisée entre 1810 et 1813 fut témoin de l’intronisation, en 1811, du roi autoproclamé, Henry Ier. La paroisse répondait à toutes les exigences de son époque tant par sa beauté architecturale que par sa position par rapport au palais royal, comme nous l’explique le professeur Lewis A. Clorméus, Docteur en sociologie de la religion et Détenteur d’un master en Histoire, Mémoire et Patrimoine. « Dans la conception du moment, l’État et l’église devaient se donner la main afin de permettre à la société de maintenir un certain équilibre » soutient-il.
La chapelle royale de Milot, plus qu’un simple édifice, fut un message du Roi au monde occidental pour faire étalage du niveau de civilisation de son peuple. Elle fut aussi un mausolée où fut inhumé, entre autre corps, celui du commandant André Vernet, signataire de l’acte de l’indépendance, Prince des Gonaïves, ministre des finances et de l’intérieur de l’empereur Jacques Ier, et commandant des Gonaïves après l’expulsion des Français. Voilà ce qui lui vaut le titre de « Panthéon » selon le professeur Clorméus, qui enseigne la socio-antropologie des religions à l’Université d’Etat d’Haiti.
Décortiquant le plan architectural du bâtiment construit par l’architecte Chéri Walock, l’ingénieur géologue Claude Prépetie précise ‘’que son style architectural est caractérisé par une rotonde circulaire surmontée d’une coupole de 27.50 mètres de diamètre et par un portique rectangulaire tétrastyle, supporté par quatre colonnes, placées à l’entrée de la façade principale. Le portique est arboré d’un fronton triangulaire étalé sur toute sa largeur.’’ Une précision qui laisse croire la volonté de grandeur et de démonstration qui devait faire titiller les regards des occidentaux de l’époque.
En sorte que cette chapelle royale, baptisée des années après, chapelle immaculée conception de Milot, est un symbole fort du génie de l’un des dirigeants les plus visionnaires du pays et de l’histoire glorieuse du peuple haïtien. Ainsi, conscient de ce que représente ce monument culturel et historique pour le pays, le gouvernement de Sténio Vincent, fut le premier à réaliser un travail de restauration du site en 1930.
Déclarée patrimoine national par l’ISPAN en 1970, et reconnue comme patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1982, l’église catholique historique de Milot, a été ravagée par un incendie survenu dans la nuit du Dimanche 12 au Lundi 13 Avril 2020. Dans les flammes de cette catastrophe, c’est plus de 200 ans d’histoire qui s’envolent. Un symbole qui s’étiole….
Michenel Pierre