« Allons bâtir des quotidiens qui ressemblent à nos rêves », Georges Anglade.
(Québec) Dominique Anglade, dont le père et la mère sont tragiquement décédés dans le séisme qui a fait des centaines de milliers de morts en Haïti, le 12 janvier 2010, a livré un vibrant hommage à toutes les « voix qui se sont tues pendant les quelques secondes d’une secousse, il y a 10 ans ».
La députée libérale de Saint-Henri–Sainte-Anne, à Montréal, s’est remémoré les mots qu’avait écrits son père dans une lettre à sa mère, l’année de sa naissance. « Allons bâtir des quotidiens qui ressemblent à nos rêves ».
« C’est ce qu’il disait à ma mère. Après avoir fait de la prison politique en Haïti, après s’être établi au Québec en exil, il disait à ma mère : « allons bâtir des quotidiens qui ressemblent à nos rêves. » […] Malgré la douleur, malgré la peine, malgré la souffrance, il reste encore cette volonté de bâtir des quotidiens qui ressemblent à nos rêves », a-t-elle dit jeudi à l’Assemblée Nationale dans un hommage au peuple haïtien et à sa famille.
Cette intervention de Mme Anglade s’inscrivait dans des discours accompagnant l’adoption d’une motion adoptée à l’unanimité pour commémorer les 10 ans du tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince. Cette journée-là, plusieurs bâtiments emblématiques de la capitale haïtienne se sont effondrés, laissant des centaines de milliers de gens prisonniers des décombres. Même le palais national, résidence officielle du chef de l’État d’Haïti, avait été lourdement endommagé.
Quand elle a appris la nouvelle, à l’époque, Dominique Anglade s’était peu inquiétée pour ses parents. Des séismes, Haïti en avait vu d’autres. Mais plus les heures ont passé, sans nouvelles, plus l’angoisse montait.
« Ma soeur me dit [finalement] … en fait, elle est incapable de me dire qui est décédé, elle est seulement capable de me dire qui vivant. Elle me dit, untel a survécu, untel a survécu. Et je dis : papa et maman ? Mme la Présidente, c’est à ce moment-là que je comprends que j’ai perdu, d’un coup, mon père, ma mère, mon oncle et mon cousin », a raconté la députée libérale jeudi.
« Quand je suis assise, je me dis : je ne sais pas comment je vais trouver la force pour me relever. Je décide de parler à ma tante qui vient de perdre son fils, et ma tante me dit : Dominique, nos morts sont morts, il va falloir qu’on les enterre. Par contre, on peut faire encore beaucoup pour les vivants. Et c’est là que je prends tout le courage et la force de dire qu’on n’a pas le droit de se laisser abattre, qu’il faut vivre nos peines, qu’on est capables d’aller plus loin et de se tenir debout pour ceux qui en ont encore besoin », a-t-elle ajouté.
Solidarité avec la diaspora
La ministre des Relations internationales, Nadine Girault, a salué le « témoignage bouleversant » de son adversaire politique.
« Je tiens encore à lui témoigner mes plus sincères sympathies pour le terrible drame qu’a été pour elle le tremblement de terre de 2010. Je profite de l’occasion pour rendre un hommage spécial à son père, Georges Anglade, un grand intellectuel québécois et haïtien, très attaché à sa terre natale, et à sa mère, tous les deux d’ailleurs connus et appréciés de mes propres parents, qui faisaient aussi partie de la diaspora haïtienne », a-t-elle dit.
« Moi-même d’origine haïtienne, j’ai ressenti un terrible désarroi face à cette épreuve. […] Compte tenu des liens familiaux et affectifs qui unissent le Québec et Haïti ainsi que l’importante communauté haïtienne au Québec, qui représente plus de 143 000 personnes, ce drame a été aussi québécois. Plusieurs de nos concitoyennes et concitoyens y sont aussi décédés », a complété Mme Girault.
Lisez aussi : Comment le président le plus progressiste d’Haïti fut renversé