Le président Dumarsais Estimé est présenté comme un nationaliste et un conservateur. Ses actions en espace de trois ans et huit mois de gouvernance font qu’il est considéré par les historiens haïtiens comme le chef d’État le plus progressiste d’Haïti après le Roi Henry Christophe. Arrivé au pouvoir à un moment difficile, Estimé va montrer à ses compatriotes qu’il est à la hauteur de la tâche qui lui est confiée. Mais, il y aura un inconvénient. Disons, deux inconvénients.
Le 16 août 1946, les modérés constituent un parti libéral, obtiennent la majorité à la Chambre des députés et désignent Dumarsais Estimé comme candidat à la présidence. Estimé est élu président de la République après un second vote à la Chambre des députés. Il salue ses adversaires à la course prédentielle dont Dantès Louis Bellegarde, Edgard Numa et Démosthènes Calixte.
Dès son arrivée au pouvoir, le président Dumarsais Estimé entreprend de vastes réformes dont celles de l’Agriculture. Il prévoit la construction du bicentenaire de Port-au-Prince et celle des réseaux routiers. Il nomme dans son gouvernement des ministres socialistes et nationalistes dont Daniel Fignolé. Il définit un programme social et économique qui répond aux aspirations de la majorité. Il réduit la dette nationale et met fin au contrôle fiscal des Américains. Il augmente le salaire minimum et dynamise l’industrie touristique en faisant d’Haïti une destination privilégiée. Il renforce les relations internationales d’Haïti, il fait la promotion du tourisme et celle de la culture. Il obtient le maintien du français comme langue de travail de l’ONU au côté de l’anglais suite au vote d’Haïti.
Le 1er décembre 1949, il inaugure l’Exposition internationale pour commémorer les deux cents ans de fondation de la ville de Port-au-Prince. Il profite de l’occasion pour lire le message de soutien du président américain Harry S. Truman à l’égard de son gouvernement. Il présente au monde une capitale haïtienne dynamique, visionnaire et moderne.
Mais, comment peut-on expliquer le renversement ou la chute du président le plus progressiste d’Haïti, Monsieur Dumarsais Estimé ?
Pour nous autres, le président Dumarsais Estimé et son gouvernment avaient commis deux grandes erreurs qui ont conduit à leur chute:
La première, c’est que le coût de 4 millions dollars américains prévu pour l’organisation de l’exposition universelle par le gouvernement, a atteint la somme de 26 millions dollars, mais le président et son cabinet ministériel seront incapables de justifier 10 millions des 26 millions dollars dépensés pour la réalisation des travaux. Tout le monde est d’accord que c’est un scandale public.
La deuxième, c’est que trois ans après son installation comme chef d’État, Estimé devient populaire. Bien que ce soit interdit par la constitution de 1946, cette sensation d’être populaire a poussé le président à l’idée de se succéder à lui-même pour continuer les réformes et les travaux en cours.
Pour garder le pouvoir, son gouvernement d’ouverture devient un gouvernement de combat politique. Il demande au Parlement de réviser la Constitution de 1946 par modification de l’article 81. Si les députés se soumettent à sa demande, les sénateurs refusent. Il y a eu des violences.
Le 10 mai 1950, menée par le général Franck Lavaud, l’armée intervient dans la crise. Elle dissout le parlement et obtient la démission du président Estimé.
Pour études complémentaires, PROFILE AYITI vous recommande « Anthony Georges-Pierre, Dumarsais Estimé, l’homme, l’œuvre et les idées, 2010 ».
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Notes de Charles Philippe BERNOVILLE
Président et directeur des recherches.