Les Concepts de peuple, de population et de citoyen, trois concepts différents, pour autant qu’il y ait relation. Luné Roc Pierre Louis
La citoyenneté n’est pas identique à la nationalité. La citoyenneté ne requiert ni une égalité de conditions, ni une égalité de prestations, mais une égalité de dispositions. Cela dit, le citoyen n’est pas un individu, il n’est pas un prochain non plus.
Les citoyens ne sont pas définis par des prédicats de qualité. Ils s’ auto-instituent par la relation qu’ils déclarent entre eux. Pour faire simple, le citoyen résulte seulement de l’acte juridique idéel qui reconnaît chez lui une disposition fondamentale à la réciprocité. C’est donc, en dernier ressort, l’engagement qui définit la citoyenneté. Sans engagement, le citoyen ne serait pas différent d’un individu.
Selon cette perspective, la citoyenneté est à la base de la procédure qui se dit la souveraineté populaire. Dès lors, le peuple constitue l’ensemble des citoyens. Le peuple n’est donc pas l’agrégat des individus pauvres ou violents comme le font croire les démagogues populistes. Cela étant, le peuple ne doit donc pas être non plus confondu avec des couches particulières de la population.
Au sens propre, la population est l’ensemble des individus, toutes catégories confondues, qui vit sur un territoire donné, dans un espace géographique quelconque. En général, l’usage du mot se fait de manière métaphorique, par une synecdoque, comme dans l’énoncé : la population doit vaquer à ses occupations. Au sens propre, ce seraient tous les individus qui le désirent ou qui en ont l’obligation.
C’est donc erroné de prétendre que lorsque des manifestants gagnent les rues, c’est la population qui est dans la rue.
Démocratie, attribut du peuple des citoyens
Les citoyens constituent le peuple qui lui de manière substantielle est une partie de la population. Le peuple sous ce jour est la partie de la population qui dispose des droits civils et politiques à exercer et qui les exerce. Tout le problème est qu’un citoyen n’est pas un simple ressortissant, car il faut choisir d’être citoyen pour l’être.
Du point de vue moderne ou contemporain, parler de démocratie présuppose l’exercice de la souveraineté populaire où, comme le dit l’expression, le peuple est souverain. Mais là justement, le concept de peuple est procédural et la souveraineté populaire est une procédure.
Le peuple n’est pas un agrégat concret de quelques individus comme le croient les populistes. Le peuple n’a pas ici rapport à une catégorie socio-économique. Cette souveraineté, le peuple l’exerce en le déléguant aux trois pouvoirs de l’Etat. D’où pourquoi pour parler de peuple, il incombe d’avoir une constitution. Celle-ci consacre ce dernier comme souverain. De manière procédurale, cela sous-tend la démocratie.
Le peuple est l’instance de délibération, même s’il est censé l’exercer par délégation. Que fait le peuple ? Il délibère. Dans la réalité, ce pourrait tout autre chose, car il faut que les mandants, les délégués ou représentants soient à la hauteur de leurs tâches. Tel n’est pas toujours le cas.
C’est la disparité entre le cadre de validité universelle et le cadre factuel des actions qui créent des situations d’insatisfaction et que dès lors, il se peut qu’il mène des luttes politiques comme des manifestations.
Prof. Luné Roc Pierre Louis
Références
Luné Roc Pierre Louis. La Constitution haïtienne de 1987 est-elle un produit importé ? Essai sur le folklorisme médiatique, Paris, L’Harmattan, 2018.
Luné Roc Pierre Louis. Habermas et Haïti. Prolégomènes à une sémantique politique, Port-au-Prince, Média-Texte, 2014.
Luné Roc Pierre Louis. « Nation et Université. Essai sur le bonapartisme universitaire en Haïti », in Luné Roc Pierre Louis, Archéologie du tragique haïtien. La reconnaissance sur la pierre tumulaire du bonapartisme (Dir.), Port-au-Prince, Média-Texte, 2014.
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