« Les souris, les rats et les humains se comportent tous à peu près pareil », a résumé David Redish. Plongez dans cette expérience tirée du livre de Bernard Werber (encyclopédie du savoir relatif et absolu), vous en sortirez probablement plus conscients.
Arrêts lecture : Une proposition de #EspaceDavertige (Texte scientifique et philosophique)
Une expérience a été effectuée sur des rats. Pour étudier leur aptitude à nager, un chercheur du laboratoire de biologie comportementale de la faculté de Nancy, Didier Desor, en a réuni six dans une cage dont l’unique issue débouchait sur une piscine qu’il leur fallait traverser pour atteindre une mangeoire distribuant les aliments. On a rapidement constaté que les six rats n’allaient pas chercher leur nourriture en nageant de concert. Des rôles se sont développés, ils se les étaient ainsi répartis: deux nageurs exploités, deux non-nageurs exploiteurs, un nageur autonome et un non-nageur souffre-douleur.
Les deux exploités allaient chercher la nourriture en nageant sous l’eau. Lorsqu’ils revenaient à la cage, les deux exploiteurs les frappaient et leur enfonçaient la tête sous l’eau jusqu’à ce qu’ils lâchent leur magot. Ce n’est qu’après avoir nourri les deux exploiteurs que les deux exploités soumis pouvaient se permettre de consommer leurs propres croquettes. Les exploiteurs ne nageaient jamais, ils se contentaient de rosser les nageurs pour être nourris.
L’autonome était un nageur assez robuste pour ramener sa nourriture, passer les exploiteurs et se nourrir de son propre labeur. Le souffre-douleur, enfin, était incapable de nager et incapable d’effrayer les exploités, alors il ramassait les miettes tombées lors des combats.
La même structure : deux exploités, deux exploiteurs, un autonome et un souffre-douleur, se retrouva dans les vingt cages où l’expérience fut reconduite.
Pour mieux comprendre ce mécanisme de hiérarchie, Didier Desor plaça six exploiteurs ensemble. Ils se battirent toute la nuit. Au matin, ils avaient recréé les mêmes rôles. Deux exploiteurs, deux exploités, un souffre-douleur, un autonome. Et on a obtenu encore le même résultat en réunissant six exploités dans une même cage, six autonomes, ou six souffre-douleur.
Puis l’expérience a été reproduite avec une cage plus grande contenant deux cents rats. Ils se sont battus toute la nuit, le lendemain il y avait trois rats crucifiés dont les autres leur avaient arraché la peau (sic). Ainsi donc, « plus la société est nombreuse plus la cruauté envers les souffre-douleur augmente« . Parallèlement, les exploiteurs de la cage des deux cents entretenaient une hiérarchie de lieutenants afin de répercuter leur autorité sans même qu’ils aient besoin de se donner le mal de terroriser les exploités.
Autre prolongation de cette recherche, les savants de Nancy ont ouvert par la suite les crânes et analysé les cerveaux. Or les plus stressés n’étaient ni les souffre-douleur, ni les exploités, mais les exploiteurs. Ils devaient affreusement craindre de perdre leur statut de privilégiés et d’être obligés d’aller un jour au travail.
Se pourrait-il que pour chaque espèce animale il existe une sorte de grille d’organisation spécifique. Quels que soient les individus choisis, dès qu’ils sont plus de deux, ils s’empressent de tenter de reproduire cette grille pour s’y intégrer.
Peut-être que l’espèce humaine est tributaire elle aussi d’une telle grille. Et quel que soit le gouvernement anarchiste, despotique, monarchiste, républicain ou démocratique, nous retombons dans une répartition similaire des hiérarchies. Seuls changent l’appellation et le mode de désignation des exploiteurs.
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