Incidences réciproques de l’environnement scolaire et des pratiques pédagogiques
Observation du cas des élèves en situation de handicap dans des écoles à la Grand’Anse
Par Prof. Nelson Sylvestre, Enseignant-chercheur à l’UEH
Le GIECLAT implémente le projet intitulé : Élèves en situation de handicap et pratiques pédagogiques des enseignants dans les départements du Sud. de la Grand’Anse et des Nippes. Cette recherche supportée par le NAS et l’USAID, deux institutions américaines, nous donne l’occasion de considérer le poids de l’environnement de l’école (bâtiments, salles de classes, cours, et autres dispositifs) dans le processus d’enseignement/apprentissage dans le département de la Grand’Anse. Les problèmes traités seront analysés dans un article scientifique en 2020.
The GIECLAT is implementing the project entitled Students with disabilities and Teaching practices Teachers in South, Grand Anse and Nippes Departments of Haiti. This research supported by the NAS (National Academics Science) and USAID, two American institutions, gives us the opportunity to consider the school environment role (building, classrooms, and other facilities) in the teaching/learning process in the Grand’Anse departments. Problems traited will be analyzed in the scientific article, in 2020.
In limine litis
Un enseignant-maitre est appelé à faire usage de méthodes pédagogiques pour enseigner. Celles-ci sont-elles le reflet de ce dernier ? Quelle qu’en soit l’issue, le métier d’enseigner, pour bien s’exercer, doit être accompagné d’une forte dose de formation en termes de dotation tant initiale que continue. Pareillement, l’environnement scolaire, comme une incitation à l’environnement éducatif, sous-tend en permanence les pratiques pédagogiques pour mieux harmoniser le binôme “enseignement des maîtres – apprentissage des élèves”. Ceci devient encore plus urgent et indispensable quand élèves et maîtres sont (ou paraissent l’être) en situation de handicap visible ou non visible.
Cet article de vulgarisation entend exposer à la fois quelques incidences de l’environnement scolaire sur les pratiques pédagogiques, et celles des pratiques pédagogiques sur l’environnement scolaire. L’objectif est de mettre les résultats à profit des observations faites sur les élèves en situation de handicap dans des écoles de la Grand’Anse d’Haïti au cours de l’année scolaire 2018-2019. Le constat est que les incidences marquées sont réciproques et fertilisent, pour ainsi dire, le handicap principalement et malheureusement chez des élèves. Avant de le faire, une précision notionnelle opératoire s’avère nécessaire :
- Article journalistique: Ébauche de texte élaboré sur une thématique dans laquelle l’auteur fait une invitation à la réflexion scientifique ;
- Éducation inclusive: Pratique éducative tendant à considérer tous les acteurs, au-delà des différences par l’aménagement des dispositifs adaptés selon une philosophie intégrative, voire inclusive ;
- Élève en situation de handicap: Élève ayant une déficience quelconque (physique, mentale/cognitive, sensori-motrice, neuropsychologique ou neurophysiologique), au profit duquel le système éducatif devrait s’adapter ;
- Enseignement: Processus de dispensation des savoirs collectifs et/ou individuels, ou parfois même individualisés ;
- Enseignant-maitre: Agent principal d’enseignement des savoirs collectifs et/ou individuels et qui domine cet enseignement par le niveau académique atteint et l’expérience accumulée ;
- Environnement scolaire: Ensemble de conditions de l’environnement de l’école, d’accueil des acteurs scolaires ou l’espace dans lequel se déroule le processus d’enseignement/ apprentissage ;
- Environnement éducatif: Encore dénommé environnement pédagogique, il s’agit ici de l’ensemble d’éléments et de facteurs contextuels qui, dans la classe, peuvent avoir une incidence sur l’apprentissage des élèves ;
- Incidence: Premier effet (conséquence positive ou négative) d’un existant (d’une action) sur un autre ;
- Méthodes pédagogiques: Ensemble de démarches d’enseignement universellement adoptées (des standards) pour assurer la transmission des savoirs collectifs et/ou individuels ;
- Pratiques pédagogiques: Mise en évidence des méthodes pédagogiques qui s’adaptent aux apprenants et aux conditions d’apprentissage du
Environnement scolaire comme déterminant principal de l’enseignement-apprentissage
Un maître mot qui aurait caractérisé l’environnement des écoles publiques et non publiques dans la Grand’Anse est l’adaptation ou l’adéquation des bâtiments. Ce maître mot est définitivement absent ou en négation virale dans ces écoles, tenant compte des aspects physique et de localisation. Les observations faites en ce sens mettent en relief les éléments suivants :
- Clôture des cours des écoles (quand c’est le cas) non sécurisée ;
- Existence de marché public ou de gageure à proximité en général et fonctionnant en semaine ;
- Insalubrité des lieux des établissements scolaires, intérieurement et extérieurement ;
- Salles de classes tantôt trop grandes, tantôt trop petites. Leurs dispositions géo (graphiques et métriques) et architecturales ne sont pas toujours favorables à l’enseignement et l’apprentissage ;
- Localisation de bâtiments scolaires non loin de ravines dangereuses en période de pluie ;
- Duplication de l’édifice scolaire ou de salle pour faire fonctionner en même temps, ou alternativement deux publics différents. Ce qui cause un tohu bohu permanent ;
- Constructions, au-petit-bonheur, parfois anarchiques des bâtiments scolaires; ces derniers sont souvent éloignés du domicile des principaux concernés (élèves, maîtres, administrateurs et parents).
On sait que les infrastructures scolaires jouent un rôle important dans le processus de l’enseignement-apprentissage et favorisent le fonctionnement normal d’une institution scolaire. Plus les infrastructures scolaires sont faibles, plus elles influent négativement sur le fonctionnement de l’école et l’apprentissage des élèves. Ainsi plus elles répondent aux normes, moins elles ont des incidences adverses sur le fonctionnement général de l’établissement scolaire, y compris l’apprentissage des élèves.
Partant du principe qu’un environnement regroupe l’ensemble des états, principalement physiques (adaptation et adéquation des locaux, aménagements réguliers et graduels de ceux-ci), chimiques (prévention par rapport aux intoxications et vulnérabilités du milieu,) et même culturels/culturaux (attention spéciale aux habitudes nuisibles aux personnes), il y a lieu de reconnaitre que cet important déterminant de l’enseignement-apprentissage (environnement scolaire) fait globalement défaut et n’entraine que des incidences adverses sur l’éducation, dans les écoles observées à la Grand’Anse. Alors dans quel sens un environnement scolaire pareil entrave-t-il les pratiques pédagogiques mises en évidence dans ces écoles? Une réponse à cette interrogation passe tout d’abord par la prise en considération de l’environnement éducatif.
Environnement éducatif perturbé
L’école fait référence à tout ce qui est enseigné, appris, utilisé, voire utile, comme moyen ou finalité, pour protéger ceux-là qui en profitent. L’environnement éducatif autour de l’école est un repère infaillible pour ne pas rater ce but. En effet, il englobe tous les aspects indispensables à la réussite mutuelle des publics qui le fréquentent :
- Les élèves sont soumis à un régime d’enseignement efficace, de la part des maîtres, les évitant des dures épreuves du temps ;
- Les maîtres se réjouissent de l’apprentissage significatif de leurs apprenants et peuvent tranquillement témoigner de leur apport à la transformation de la société ;
- Les autorités scolaires et étatiques ainsi que les administrateurs scolaires sont et deviennent dignes de clamer qu’ils ont assumé sans détour leurs responsabilité ;
- Les parents accomplissent leurs tâches et augmentent la possibilité de participer à l’édification des Hommes et des Femmes de demain.
Peine est cependant d’observer la négation de tout cela dans les écoles échantillonnées dans le Département de la Grand’Anse. Les constats suivants en témoignent:
- Manque d’encadrement aux apprenants, encore moins à ceux en situation de handicap ;
- Vulnérabilité des apprenants en situation de handicap ;
- Absence de politique éducative et de stratégie d’intégration ;
- Accès aux matériels adéquats très et même trop limités ;
- Faible niveau de formation et capacité de transmission des maitres.
Ce qui n’existe pas aujourd’hui dans l’environnement éducatif des écoles de la Grand’Anse, est cité ci-après: « L’élève apprend en s’adaptant à un milieu qui est facteur de contradictions, de difficultés, de déséquilibres, un peu comme le fait la société humaine. Ce savoir, fruit de l’adaptation de l’élève se manifeste par des réponses nouvelles qui sont la preuve de l’apprentissage.» (Brousseau, 1977, 1986/1998 cité par Perrin Glorian, 1994). Cette idée d’apprentissage par adaptation est donc liée fortement à la notion de milieu, considéré comme « tout ce qui agit sur l’élève et ce sur quoi l’élève agit » (Brousseau, op cit). Revenant à l’interrogation relative aux interactions entre environnement scolaire et pratiques pédagogiques, il est évident d’admettre que les dés sont jetés.
Pratiques pédagogiques comme reflet de la nécessité d’un virage éducationnel
Les méthodes pédagogiques sont des standards qui s’adaptent aux réalités ou s’approprient des situations adverses pour les transformer. Pour parvenir à de telles fins, les méthodes doivent se concrétiser et/ou être utilisées au moyen des pratiques qualifiées de pédagogiques. Par exemple, le fait pour les maîtres d’avoir des élèves en situation de handicap dans leurs classes entraîne une modification dans leurs pratiques pédagogiques, ils proposeraient des pratiques différenciées. Très peu d’entre eux affirment que c’est le cas, quelque peu parmi eux reconnaissent n’avoir modifié que très peu leur pédagogie, alors que la plupart d’entre eux ne la modifient pas du tout.
Les maîtres précisent qu’en général les élèves ne veulent pas insister sur leur handicap en raison du risque de stigmatisation. Il semble aujourd’hui nécessaire de changer le regard que l’on porte sur les autres (ceux en situation de handicap) pour passer d’une vision en creux à une autre en relief.
Il est en effet intéressant de pratiquer une pédagogie enfin adaptée aux besoins et aptitudes des élèves pour bâtir la construction de leurs apprentissages. Les pratiques pédagogiques des enseignant-maitres ne sont pas adaptées à la prise en compte de la singularité des apprenants. Il s’agit de pratiques pédagogiques ni spéciales, ni complètement individualisées pour d’autres. Une adaptation de chaque enseignement dans chaque discipline aux élèves, pour garantir l’accessibilité au savoir. Tout cela nécessite la conception d’environnement adapté et approprié à l’épanouissement personnel et intellectuel des élèves.
À manière de conclusion
Le Projet GIECLAT, en entrant dans sa deuxième phase, entend identifier les problèmes liés à la situation de ces apprenants vivant avec le handicap pour mieux les étudier et indiquer des jalons scientifiques. Les observations jusque-là faites sur le cas de la Grand’Anse permettent d’y réfléchir sérieusement et portent déjà à penser aux aspects de remédiation du checklist ci-après:
- Offre de formation continue et continuelle en gestion de classe, éducation inclusive et gouvernance scolaire et éducative ;
- Définition d’un prototype d’infrastructures scolaires ;
- Harmonisation des programmes en vue de la mise à profit de pratiques pédagogiques adaptées facilitant la relation enseignement-apprentissage.
Voilà ce qui inaugure une invitation à la réflexion scientifique sur un déterminant éducatif jugé indispensable de nos jours. Que le GIECLAT et d’autres institutions poursuivent cet intérêt collectif si noble!