Aucun fan ne sait, à ce stade, si l’enfant prodige et turbulent du football brésilien cache un prédateur sexuel. Mais depuis la plainte pour viol déposée à Sao Paulo par l’une des conquêtes de Neymar Jr, le 31 mai, le maillot n° 10 de la Seleçao, l’équipe officielle du Brésil, a d’ores et déjà perdu le cœur d’une grande partie de ses supporteurs, lassés des frasques hors terrain de l’attaquant star du Paris-Saint-Germain (PSG).
« De quand date la dernière prouesse footballistique de Neymar ? On cherche, on cherche. On arrive à la Ligue des champions en 2015 ! », s’afflige Paulo Calçade, commentateur sportif sur la chaîne ESPN au Brésil, évoquant le terrible « gâchis » du talent du joueur.
Passé maître dans l’art de la chute feinte, celui que ses compatriotes surnomment « Cai-cai » (du verbe cair, tomber, en portugais), fait depuis des mois, voire des années, davantage parler de lui pour ses coups de sang (il a agressé un supporteur mécontent à la suite du match décevant PSG-Rennes, en avril) ou ses coups de cœur (il a serré tendrement la chanteuse Anitta lors du Carnaval de Rio, en mars) que pour ses exploits sur le gazon. C’est dans ce contexte que surgit cette affaire de viol, gravissime.
Les faits qui lui sont reprochés se seraient déroulés autour du 15 mai, à Paris. Après un échange de photos et de messages explicites envoyés par smartphone, le footballeur aurait convié sa belle, une Brésilienne, à venir le retrouver à l’hôtel Sofitel, en plein cœur de la « ville de l’amour », finançant champagne et billet d’avion pour consommer sans tarder l’idylle épistolaire.
C’est ici que les versions divergent. Pour le footballeur, ce qui est arrivé dans la chambre d’hôtel est une histoire « entre un homme et une femme derrière quatre murs ». Pour la plaignante, après des « caresses », Neymar, pris de boisson, serait devenu agressif l’obligeant à une relation non consentie.
Dérapage sur Instagram
Selon les premiers éléments de l’enquête, une médiation financière par avocats interposés – une négociation dite « cala boca » (ferme-la) – aurait été tentée. En vain. La jeune femme, déterminée à ne pas en rester là, se serait alors rendue à la police. C’est à partir de là que Neymar dérape.
Conscient de l’enjeu pour sa réputation, ses sponsors et sa carrière, l’attaquant du PSG lâche sur Instagram une vidéo où il explique être victime d’une tentative d’extorsion et publie sur le réseau social des photos dénudées envoyées par la jeune femme et les messages échangés avant l’acte, imaginant que leur contenu, entre le coquin et le salace, pourrait attester de son innocence.
Voilà désormais, Neymar, suspecté de viol, également accusé d’avoir divulgué des informations inappropriées sur Internet. Le jeune homme doit être entendu pour ce second grief par la police de Rio de Janeiro dans les jours à venir. Une double charge minimisée par son père et agent, qui affirme, le 3 juin, à la télévision : « Je préfère un crime sur Internet qu’un viol. » Un commentaire « absurde », estime Vinicius Lordello, spécialiste en gestion d’image et de crise dans le monde du sport. « Neymar a eu raison de se défendre, le viol est un crime abominable. Mais il est allé beaucoup trop loin », ajoute le communicant.
Dans un pays où une femme est violée en moyenne toutes les onze minutes, la réaction du joueur, loin d’apaiser la polémique, déchaîne les passions et enflamme les critiques. « Personne ne peut juger la culpabilité de Neymar mais il se comporte comme ces hommes qui tentent de déconsidérer les victimes de viol, pensant qu’une femme, parce qu’elle porte une jupe trop courte, parce qu’elle aime la fête ou faire l’amour mérite d’être violée. C’est irresponsable.
Son accusatrice a choisi la voie de la justice ; lui, a opté pour la jeter en pâture sur les réseaux sociaux », commente Ludmilla Teixeira, créatrice du site Mulheres contra Bolsonaro [Les Femmes contre Bolsonaro], considérée comme une porte-parole du mouvement féministe au Brésil.
« Pas en condition pour disputer un tournoi d’une telle importance »
« Elle a accepté des billets d’avion, un hébergement à Paris, elle a échangé des messages épicés. Elle pensait quoi ? Venir pour manger des croissants ? On croirait entendre ce grand-oncle qui estime qu’une femme qui a les jambes nues et un décolleté plongeant est une invitation ! », écrit aussi avec cynisme dans une tribune à La Folha de Sao Paulo, le 4 juin, le journaliste Ranier Bragon, rappelant qu’un sondage Datafolha affirmait encore en 2016 qu’un tiers des Brésiliens était d’accord avec l’idée qu’une femme qui porte des vêtements provocants ne peut se plaindre d’être violée.
La justice dira si le crack du ballon rond, adepte de coupes de cheveux aussi inventives que colorées, est un criminel.
Pour l’heure, Neymar, 27 ans, est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire et conserve, à quelques jours du coup d’envoi de la Copa América, « toute la confiance » de la Confédération brésilienne de football.
L’entraîneur de l’équipe nationale, Tite, a toutefois expliqué que, s’« il ne faut pas pré-juger » le joueur, celui-ci est certes « vital pour nous », mais « cela ne veut pas dire qu’il est irremplaçable ». Francisco Noveletto, le vice-président de la Fédération brésilienne de football, a quant à lui estimé que Neymar « n’est pas en condition pour disputer un tournoi d’une telle importance et avec un bataillon de journalistes à ses basques pour l’interroger sans relâche au sujet de cette histoire de viol ».
Innocent ou coupable, l’étoile de Neymar, déjà, a pâli. Celui qui était hier considéré comme un trésor national ternit, avec cette affaire, un peu plus une image déjà abîmée par le récit de ses caprices, de ses colères et de ses ennuis avec le fisc.
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