Depuis le 6 février, la veille de la mobilisation-célébration du 7 février contre la corruption et le pouvoir en place, des mouvements spontanés sont enregistrés à travers le Département de l’Ouest et quelques villes de province.
Au moins 7 morts et plus d’une cinquantaine de blessés. Des blocages de route à l’aide notamment de barricades enflammées sont enregistrées par dizaine toutes les heures. Des images « nécrophiliques » renforcées dans différentes villes pour suivre sûrement l’insensibilité programmée de nombre de Maires et de responsables du pouvoir central face au délabrement sordide des villes et des quartiers.
L’endormissement endémique du peuple ou le silence officiel/paradoxal de l’opposition après le 7 février tout en maintenant l’incertitude des rues a été attendu mais, face à ce qui se joue sous les tables actuellement, l’inquiétude absorbe certains observateurs.
D’ailleurs, il est à remarquer que le 7 février où plusieurs centaines de milliers de manifestants ont gagné les rues, les têtes visibles de l’opposition radicale dite « démocratique » n’ont pas été repérées. Par contre, l’opposition « noir et rouge » de Moise Jean-Charles se faisait entendre jusqu’à miroiter le spectre de l’auto-proclamation d’un Président.
L’opposition Pétrochallenge y était aussi, avec la seule revendication juste pour l’heure : la reddition de compte sur les fonds de Pétrocaribe qui pourrait être étendue à d’autres entreprises de vastes corruption dont la dilapidation quasi totale des fonds dédiés à la reconstruction d’Haïti (CIRH) et l’affaire des Coopératives, si et seulement si.
Car pour plus d’un, cette opposition « de nouvelles têtes du système », qui ont attiré définitivement l’attention depuis Mai 2018, jusqu’à ce samedi dans des émissions de radio et en permanence sur les réseaux sociaux ; se noient pour la plupart dans des intérêts de ceux qui possèdent les banques et le secteur énergétique; et ceux qui contrôlent le commerce, les douanes et les impôts, souvent mieux nourris par des gouvernements successifs et encore parait-il mieux lotis aujourd’hui par le pouvoir en place!
Donc entre les Pétrochallengers qui ne dorment pas, ceux qui souhaitent une Haïti sans préciser ses contours et ceux qui se disent tout simplement Haïti; ils sont très rares ceux qui savent où gratter nécessairement étant piqués/socialisés, par la force de la structuration sociale post-1806, dans des conditions d’existence qui les font espérer que les miettes de l’économie, des impôts qu’ils paient si possible n’étant pas nécessairement identifiés, des taxes imposées par le marché et la spéculation monétaire des banques commerciales ou tout simplement la migration ordonnée et le plus souvent désordonnée qui les accrochent au gré du vent, de l’eau, du ciel et des gardes-côtes des rives où ils espèrent s’accoster.
Cette opposition à épurer pour autant qu’une grande partie se baigne dans l’inculture de l’histoire d’Haïti et la dynamique actuelle qui, comme avancé par plus d’un, n’est autre qu’une machination politique orchestrée pour une redistribution des intérêts entre les classes possédantes, semble être surprise ou choquée par la réalité de paupérisation actuelle. « La colère » d’aujourd’hui est aussi celle, très peu d’une autre expression, qui a porté Jean Bertrand Aristide, Joseph Michel Martelly, René Garcia Préval et Jovenel Moise au pouvoir.
Cette réalité fait que la démission d’un Président, le départ d’un gouvernement ou le changement de Ministre est, à moins de faits de corruption avérés et d’autres crimes contre l’État et la communauté, profondément insuffisant pour faire avancer la cause de la masse toujours manipulée et actuellement drainée particulièrement par une partie relativement consciente de l’opposition – Pétrochallenge- mais engluée de plus en plus dans la démarche d’autres oppositions qui ne sont pas vraiment intéressées par la réduction des inégalités. Leurs nourriciers n’ont pas fait mieux depuis la chute des Duvalier.
L’hypnose phylogénique de ceux qui sont utilisés pour les besoins de la « démocratie kraze brize » et le « silence tapageur/ chaotique » d’une frange des élites intellectuelles, politiques et sociales « in ou hors pouvoir » qui négocient silencieusement les intérêts en nourrissant la torpeur dans les rues, ne font aucune différence.
Ces acteurs ne sont pas les jouets de deux mondes qui s’opposent, mais des oppositions économiques à la recherche d’équilibre. Au final la situation depuis des siècles, à quelques torpillements positifs près, reste la même : L’application d’un système qui fait appel à la notion d’intérêts collectifs aux seules fins de la reproduction du système. Aujourd’hui n’est que hier avec d’autres femmes, d’autres hommes où les plus audacieux triomphent…
En fait quelque soit l’issue des tensions de ces derniers jours dont la tendance dans le fond garantit le maintien du système, gardez à l’idée que négocier un équilibre dans la redistribution des intérêts et quelques cadeaux politiques vont tout régler et ceci vite fait au courant de la semaine prochaine à moins de quelques égratignures à panser. En attendant le besoin, les tapages de rues vont cesser pour la poursuite de l’endormissent ou le silence des négociations et du partage des intérêts.
Ceux qui après seront encore intéressés par la lutte contre la corruption, la lutte contre les inégalités pour une Haïti décente et l’instauration d’une démocratie institutionnelle devront être les tenants de la nouvelle Haïti prêchée par tous mais non voulue par tous. Au bout du compte, aujourd’hui ou demain le peuple doit pouvoir trier les bons grains de l’ivraie pour sortir de la spirale qui écarte Haïti de la civilisation…
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