Le procès du narcotrafiquant mexicain Joaquin «El Chapo» Guzman, connu pour ses évasions rocambolesques et pour avoir dirigé 25 ans durant l’un des cartels les plus puissants au monde, s’est ouvert lundi à New York avec une sélection des jurés entourée de mesures de sécurité.
Pour les procureurs américains, «El Chapo» , en référence à sa petite taille est le plus puissant narcotrafiquant depuis le Colombien Pablo Escobar, mort en 1993.
Extradé aux États-Unis en janvier 2017, un an après son arrestation au Mexique après six mois de cavale, M. Guzman, 61 ans, est accusé d’avoir dirigé de 1989 à 2014 le cartel de Sinaloa, du nom de la région du nord-ouest du Mexique dont il est originaire.
Selon l’accusation, le cartel a expédié aux États-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne, ainsi que d’énormes quantités d’héroïne, de méthamphétamine et de marijuana, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars.
La sélection des jurés par les avocats des deux parties, qui doit durer toute la semaine, se fait à huis clos, une mesure réservée aux accusés jugés dangereux. Seuls cinq journalistes sont autorisés à assister au processus, sur la cinquantaine venus lundi au tribunal fédéral de Brooklyn, gardé par plus d’une vingtaine d’hommes en armes et chiens renifleurs.
M. Guzman s’est échappé par deux fois de prisons mexicaines et, même s’il n’est pas jugé pour meurtre, aurait selon l’accusation commandité quelque 37 assassinats.
Les jurés –12 plus six suppléants– devront décider si les preuves sont suffisantes pour déclarer «El Chapo» coupable des onze chefs d’accusation contre lui, dont trafic et distribution de drogues, possession d’armes à feu, blanchiment d’argent, pour lesquels il plaide non coupable.
Les procureurs affirment avoir une montagne de documents à charge, submergeant les avocats de la défense, qui déplorent de ne pas avoir pu tous les examiner: quelque 300 000 pages de documents, 117 000 enregistrements audio et quantités de photos et vidéos.
Beaucoup de documents restent confidentiels, tout comme la liste des anciens associés, employés ou rivaux de Joaquin Guzman appelés à témoigner.
Certains bénéficient de la protection du gouvernement américain. D’autres sont détenus dans des prisons spéciales pour empêcher toutes représailles.
«El Chapo» lui-même est maintenu à l’isolement depuis son extradition aux États-Unis en janvier 2017, dans une cellule sans fenêtre, 23 heures sur 24. Les seules personnes autorisées à lui rendre visite, à travers une vitre, sont ses avocats et ses jumelles de sept ans.
Sa femme, Emma Coronel, une reine de beauté de 29 ans, qu’il a épousée quand elle en avait 17, est interdite de visite. Depuis 2017, elle a assisté à la quasi-totalité des audiences, et devrait être présente pour les plaidoiries d’ouverture attendues le 13 novembre.
Arrêté une première fois au Guatemala en 1993, «El Chapo» s’était échappé en 2001 d’une prison mexicaine, caché dans un bac à linge sale.
Interpellé en février 2014, il avait réussi à s’enfuir quatorze mois plus tard, via un tunnel de 1,5 kilomètre de longueur creusé sous la douche de sa cellule.
Il avait été repris en janvier 2016. Les autorités avaient retrouvé sa trace après qu’il eut reçu dans la jungle l’acteur américain Sean Penn et l’actrice américano-mexicaine Kate del Castillo, venus l’interviewer pour faire un film sur sa vie.
Même sans M. Guzman, le cartel de Sinaloa reste puissant.
Son associé présumé, Ismael «El Mayo» Zambada, court toujours et le Mexique souffre plus que jamais de l’emprise des narcotrafiquants, avec un record d’environ 29.000 homicides en 2017.
Les États-Unis continuent à recevoir de leur voisin du sud d’importantes quantités de drogue, notamment des opiacés de plus en plus puissants, devenus une des principales causes de la mortalité américaine.
La seule tenue de ce procès est néanmoins un succès pour la justice américaine, qui n’avait jamais pu juger Pablo Escobar, abattu lors d’une opération policière à Medellín en 1993 après avoir inondé les États-Unis de cocaïne dans les années 1980.
Les autorités américaines ont négocié longuement avec Mexico l’extradition d’«El Chapo», obtenu moyennant promesse qu’il ne soit pas exécuté. En cas de condamnation, il risquera la perpétuité.
Avec TVA