Haïti a son nouveau gouvernement. Le Premier Ministre, Me Jean-Henry Céant, issu de l’opposition modérée, a pris le relais de Jack Guy Lafontant éjecté par les émeutes des 6-7-8 juillet dernier.
En fait, Jack Guy Lafontant s’est donné un coup en décidant d’augmenter de manière brutale le prix des produits pétroliers. Naturellement, et malgré sa résistance, il a été emporté par la colère populaire exprimée dans quelques villes du pays et densément à Port-au-Prince.
Toutefois, la réalité internationale de la production du pétrole et l’accord du gouvernement haïtien avec le Fonds Monétaire International (FMI) n’ont pas changé. Jean-Henry Céant pourra-t-il s’échapper à la presque nécessaire tentation d’ajuster les prix des produits pétroliers?
Le prix du pétrole ne baisse pas sur le marché international
« Les prix de l’essence et du gazole n’ont jamais été aussi élevés depuis quatre ans, et le contexte international n’est pas propice à un fléchissement », lit-on avec FranceInfo.
En effet, tel qu’indiqué dans un article précédent, le baril de pétrole frôle à présent les 80 US$. Une forte augmentation par rapport au début de l’année 2018, où le coût se situait autour de 65 dollars.
Et pour causes, la production du Vénézuela où se trouvent les plus grandes réserves du monde s’est effondrée. Ensuite, l’Iran asphyxié par l’embargo pétrolier de Donald Trump perd ses clients. En outre, la demande des pays émergents comme l’Inde et la Chine ne cesse d’augmenter.
L’accord de L’État haïtien et le FMI
Lorsque le samedi 7 juillet 2018, le gouvernement de l’époque revenait sur sa décision d’ajuster les prix des produits pétroliers, le Ministre de l’Économie et des Finances s’est défendu.
Il a avoué qu’ajuster les prix des produits pétroliers a été une mesure « difficile » née d’un accord signé avec le Fonds Monétaire International (FMI) en février.
Cet accord implique, entre autres, la cessation de la subvention publique des produits pétroliers, qui selon les économistes est source de déficit budgétaire de l’État.
Jean-Henry Céant va-t-il réanimer ou renégocier cet accord, qui pour l’économiste Pierre-Marie Boisson était « une bonne nouvelle » ? A noter que, dans la même veine, le FMI est favorable à une augmentation progressive des prix.
Étant donné que l’État doit combler son déficit…
Selon le Ministre de l’Économie et des Finances de juillet dernier, l’État gagnerait plus de « 17 milliards de gourdes de revenus » en évitant de subventionner les produits pétroliers. Il a concédé que la situation était devenue « intenable » pour l’État.
Dans son argumentaire, il a aussi noté qu’« entre 4 à 6 mille barils de l’essence subventionnée » profitent à la République voisine où les tarifs à la pompe sont plus élevés. Journalièrement ces produits traversent la frontière, a t-il fait savoir.
En effet, pour les quatre premiers mois de l’exercice fiscal 2017-2018, le déficit budgétaire monétisé par la banque centrale a dépassé les 9 milliards de gourdes.
L’économiste Pierre Marie Boisson avait confié à l’époque au quotidien LeNouvelliste que si ce niveau de déficit budgétaire « record » et « indésirable » se poursuit, il pourrait atteindre les 30 milliards de gourdes à la fin de l’exercice.
Selon la dernière note sur la politique monétaire de la Banque de la République d’Haïti (BRH), comptant pour le troisième trimestre de l’exercice fiscal, le déficit budgétaire avoisine les 20 milliards de gourdes, soit 3,6 % du PIB.
En attente de la quatrième note de la BRH pour la clôture de l’exercice, les données existantes prouvent que le déficit doit augmenter.
… et l’augmentation des prix des produits pétroliers
Le déficit budgétaire constaté, selon Monsieur Boisson, est dû principalement à l’augmentation des dépenses, un manque à gagner lié à la contrebande sur la frontière haïtiano-dominicaine, au financement public de l’ED’H et à l’augmentation des prix du pétrole sur le marché international sans ajustement des prix à la pompe en Haïti.
A ce stade, tout porte à croire que Me Céant serait coincé de tout bord. Peut-il trouver une formule pour s’affranchir? Alors que les conditions de vie de la population ne se sont pas améliorées depuis l’éjection de Lafontant et que les signaux ne sont pas si clairs, le gouvernement actuel doit-il trouver d’autres moyens pour combler le déficit?
En somme, s’il s’avérait nécessaire que le gouvernement Céant ajuste les prix des produits pétroliers dans les prochains mois, pour une fois il est espéré que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
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