« Listwa pa janm gen tò, yon pèp ki bliye listwa l kondane pou l reviv li ». C’est avec cette phrase que le groupe Rockfam a débuté sa nouvelle chanson qui devient tout de suite virale sur les réseaux sociaux en moins d’une semaine. Un clip qui prise le présent par la sensation de notre passé glorieux. Une vidéo qui ne se démarque pas des récents événements du 06 et 07 juillet qui clamaient la colère populaire.
Avec des ténors de la musique haïtienne comme Eddy François, Steve Khe et Keny-FS, Rockfam a présenté aux férus du Rap haïtien une nouvelle chanson vidéoclipée puisant dans les racines du peuple haïtien. Cette chanson titrée « Nou pi fò » est la dernière sur l’album « Demaske » sorti en novembre dernier. En effet, la musique présente des esclaves de champs qui se mobilisent pour lancer la révolte, avec l’appui d’un leader leur lançant cette phrase « kouman nou ye? Revolte »
A travers la vidéo, l’histoire de l’esclavage se retrace avec ses composantes racistes; la maltraitance de l’autre pour donner une sensation de chef au maître blanc. Chaînes aux pieds et mains, l’horizon n’exprime pas de clarté, il semble être un mur infranchissable pour l’homme noir. Les conditions socio-économiques de la masse servile se dégradent quotidiennement. En fait, le chef se sent l’être en martyrisant les hommes de l’autre couleur de peau.
« Nou pa fè pati pèp k ap kite aza deside de sò nou ». Cette phrase annonce la révolte d’un groupe d’individus mis sous les coups de fouet, un groupe d’individus longtemps humiliés voulant désormais couper ce bras qui dessine l’injustice; détruire la charpente qui tienne en vie cet ordre social qui prône la négation de l’autre. Ainsi la révolution triomphe tout en détruisant tout ce qui renvoie à cette société esclavagiste, raciste, et ségrégationniste.
De l’image d’un chef blanc à l’image d’un Nègre.
La révolution contre la société esclavagiste a pris fin. Du coup s’impose une nouvelle forme de domination. En effet, le Nègre en veste, derrière son bureau, remplace le chef blanc dans les ateliers. Les mêmes conditions socio-économiques difficiles de la masse persistent. Tout compte fait, il faut se débarrasser de ce nouveau faiseur de misère.
A savoir que L’Etat haïtien connaît tous ses citoyens sous le générique de « Noirs ». L’image de l’homme noir qui est le nouvel être à abattre à travers la vidéo représente la catégorie de l’oligarchie économique et politique qui maintient le peuple dans la misère peu de temps après l’indépendance.
L’influence des événements du 06 et 07 juillet sur la vidéo
S’il est vrai que la chanson a été déjà public depuis novembre 2017, mais la vidéo n’est pas sans influence avec les récents événements qui ont frappé le pays durant le week-end du 06 et 07 juillet 2018. Ces événements représentent un point d’ancrage pour toute compréhension qui tend vers une nouvelle définition du pacte social.
En effet, cette colère populaire récemment manifestée montre à l’oligarchie qu’elle n’est pas du tout en sécurité. En opprimant tout un peuple on aiguise de plein fouet sa révolte. C’est exactement ce que le groupe Rockfam a fait passer à travers son vidéoclip. En fait, l’homme en veste, derrière son bureau, s’est étonné de voir toute la foule qui y arrive, machettes à la main. Avec un peuple qu’on affame la bande de sécurité est un leurre.
Ce vidéoclip est parmi les coups de génie du groupe Rockfam. Il a pu faire cet alliage entre un passé glorieux et un présent moribond. L’histoire ne se meurt pas. On la vit. Le passé devient la véritable source d’inspiration pour mieux redéfinir le présent. Par cette œuvre, le groupe Rockfam essaie de se faire une place parmi les immortalités de la musique haïtienne
Par ailleurs, on reproche souvent au groupe de prendre des positions dans la société qui sont contraires aux messages véhiculés à travers ses musiques. Une telle assertion qui trouve ses racines surtout dans la position de »lame a » pendant les dernières élections. Que la musique soit cette praxis qui dirige l’artiste et ses œuvres.
Maudelin Gedney
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