Les autorités de la migration dominicaine continuent de durcir le ton dans les opérations de rapatriement à la frontière haïtiano-dominicaine.
Durant les six premiers mois de l’année 2018, 28873 cas de rapatriement et 680 retournés spontanés ont été recensés par le GARR au niveau des points frontaliers officiels et non officiels.
Beaucoup de mineurs non accompagnés ont été dénombrés parmi lesquels 124 ont été enregistrés par le GARR. Ces données statistiques, on se le rappelle, ne correspondent pas toujours à la totalité des migrantes et migrants rapatriés.
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Ils subissent des traitements inhumains
Bastonnades, confiscation de documents de voyage et des cartes de résidence du PNRE des migrantes et migrants, vol d’objets de valeur dont des téléphones portables ont été entre autres les divers cas de violations des droits humains qui ont été recensés et dénoncés par les personnes rapatriées qui avaient été accueillies par le GARR.
Voltaire Domond, 35 ans et Thabot Charles, 26 ans, deux migrants haïtiens, se sont vus confisquer leurs passeports munis d’un visa valide avant d’être reconduits au point frontalier Carisal/Comendador, à Belladère en février 2018.
Ces derniers sont respectivement originaires de Saint-Raphaël (Nord) et de Saint-Michel-de-l’Attalaye (Artibonite).
Mogène Pierre dont le téléphone portable a été confisqué lors de son rapatriement, a dénoncé également le comportement d’un militaire dominicain qui aurait saisi sa carte de résidence du PNRE appartenant à un autre rapatrié.
Mis à part la question de confiscation de documents d’identité et de voyage, le traitement accordé aux rapatriés est criant. Les migrantes et migrants sont arrivés pour la plupart à la frontière dans des conditions déshumanisantes avec des vêtements sales, des chaussures et vêtements déchirés.
Bon nombre d’entre eux ont déclaré avoir été violemment frappés par des militaires et des agents de la migration durant le processus de leur rapatriement. « Du centre de détention jusqu’à notre arrivée à la frontière, nous avons été malmenés et traités avec mépris. », ont-ils dénoncé.
Au Bureau du GARR à Belladère, plusieurs migrants ont été reçus avec des blessures graves. Le cas le plus récent est celui de Rochenel Jean, un migrant de 27 ans. Il a été sévèrement attaqué à l’arme blanche par 3 civils dominicains qui avaient investi son domicile dans la nuit du 26 juin 2018.
Deux jours après, les autorités dominicaines l’ont rapatrié sans qu’il ait obtenu justice et réparation pour le préjudice qui lui a été causé.
Soulignons que les violations des droits humains sont commises comme une lettre à la poste lors des opérations de rapatriement. Une situation qui inquiète vivement le GARR qui assure depuis près de 27 ans le monitoring au niveau de la frontière.
Un autre fait courant, les autorités dominicaines n’ont pas accordé du temps aux migrants pour récupérer les biens acquis pendant de longues années de travail en République voisine.
Selon les données enregistrées, les migrantes et migrants rapatriés au cours du premier semestre de 2018 ont vécu entre trois mois et dix ans en territoire dominicain.
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Les migrants rapatriés ou retournés viennent de points frontaliers officiels et non officiels
Il convient de noter que Carisal/Comendador (Centre) est le point frontalier ayant accueilli le plus grand nombre de rapatriés avec un total de 13722. La frontière d’Ouanaminthe (Nord-est) vient en deuxième position avec un effectif de 11417 personnes rapatriées.
Celle d’Anse-à-Pitres/Pedernales (Sud-est) a accueilli plus de 1500 rapatriés. Viennent enfin Malpasse/Jimani (Ouest) avec 1946 rapatriés et Cornillon/Grand-Bois un point non officiel du département de l’Ouest avec un total de 228 personnes.
Rappelons que les rapatriements et retours spontanés qui ont été observés à Anse-à-Pitres (Sud-est) étaient provoqués notamment par l’assassinat d’un couple dominicain survenu à Las Mercedes (Pedernales) en février 2018. 60 nouveaux cas de rapatriement avaient été également observés le 20 juin 2018.
San Juan de la Maguana, Santo Domingo, Las Mercedes, Barahona, Higuey, San Pedro de Macoris, sont entre autres les différentes villes dominicaines où les migrantes et migrants haïtiens rapatriés ont vécu.
Le GARR plaide en faveur du respect des droits des migrants haïtiens dans les opérations de rapatriement. Il appelle une fois de plus le gouvernement haïtien à se soucier davantage des droits économiques de ses ressortissantes et ressortissants qui sont livrés à eux-mêmes en territoire dominicain.
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274557 migrants rapatriés ou retournés spontanés, de juillet 2015 à juin 2018
GARR profite pour attirer l’attention de l’Etat haïtien sur la fin de la prolongation des cartes de résidence octroyées aux migrants haïtiens dans le cadre du (PNRE) qui est prévue le 26 août 2018. Les bénéficiaires dudit programme qui s’estiment à environ 239 000 migrants seront sous la menace de déportation.
A noter que 274557 migrants dont 134291 rapatriés et 140266 retournés spontanés se sont retrouvés en Haïti de juillet 2015 à juin 2018 sans être jusqu’ici réinsérés.
Il est urgent que les autorités haïtiennes entrent en pourparlers avec l’Etat dominicain pour éviter un éventuel rapatriement massif dans les mois à venir.
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Avec le GARR