« À l’âge de 14 ans mon père m’a avoué que je ne suis pas sa fille biologique. J’ai été enlevée, substituée à ma naissance à son propre enfant né avec un handicap à l’Hôpital Général de Port-au-Prince où je suis née jumelle dit-il » raconte la jeune Anne (nom d’emprunt) âgée de 17 ans aujourd’hui. À notre première rencontre, elle avoue : « aujourd’hui Je désire seulement retrouver la trace de mes parents biologiques« .
Le problème de substitution d’un enfant par un autre est « rare en Haiti« suivant le commissaire James Pierre. Certains enfants en sont « conscients très jeunes et réclament de retourner chez eux, d’autres prennent la poudre d’escampette et d’autres passent leur existence sans jamais les retrouver« , a t-il précisé.
… pour trouver ses parents
Dans le cadre de la recherche de paternité, l’institution à qui faire appel est l’Institut du Bien Être Social et de Recherche (IBESR). M. Vanel Benjamin, responsable du service des oeuvres sociales a expliqué le processus de prise en charge de ces enfants qui « consiste en l’identification de l’enfant, son enregistrement, la recherche des parents et la réunification familiale. »
D’autre part, M. Benjamin ajoute que « l’IBESR a une archive d’enfants abandonnés au niveau de l’institution. Collectée au niveau des hôpitaux le plus souvent. Des fois les enfants sont amenés directement à l’IBESR. » Mais le cas de Anne étant « un cas de substitution, son nom n’apparaitra pas dans cette archive d’enfants abandonnés », a t-il lâché.
Les recherches ont donc été réorientées du coté des archives de l’Hôpital Général de Port-au-prince. Anne n‘y a pas été retracée de meme que sa mère de substitution dans la période du 13 au 15 Janvier 2001 qui sont les deux dates inscrites sur ses actes de naissances. En fait, elle en a deux.
Pour expliquer cette faiblesse au niveau de l’archive, les employés de la salle des archives confessent « bien souvent les parents et les enfants ne sont pas enregistrés à la naissance. » . Les recherches au niveau de l’Hôpital Général n’ont donc pas été concluantes.
Il n’est pas mon père, il m’a violé
La jeune Anne élevée par sa marraine de 15 mois à 14 ans, apprend que la raison était le refus de Mme Jean d’élever un enfant qui ne vient pas de son sein. À son retour chez elle à 14 ans elle n’avait pas envisagé un tel secret ni même le harcèlement de plus en plus violent de M. Jean. « Il insistait toujours pour qu’on couche ensemble si je veux continuer à vivre sous son toit » d’après Anne.
Un soir, Steev, le copain de Anne raconte avoir surpris une grande dispute entre Anne et son père. Au départ, il pensait qu’il la disputait comme à l’ordinaire d’être resté tard avec lui confesse Steev. Mais « ce que j’ai vu m’a bouleversé complétement. Il l’a violé » ajoute-t-il. À la suite du viol et des ultimatum de Mr Jean, Anne s’ est enfuit de la maison depuis 2 ans cette année.
Durant l’entrevue avec Mr et Mme Jean, ils ont tous nié allant jusqu’à accuser la mère de Steev d’être derrière cette tragédie familliale. Propos évidemment contredits par la mère de Steev. » On accuse toujours les autres quand on a quelque chose à cacher. Ils n’arrêtaient pas de martyriser la petite. Cela me faisait beaucoup de peine. M. Jean est même venu me mettre en garde une fois afin de tenir mon fils loin de sa fille «
Quelques jours après cet entretien avec Mr et Mme Jean, le jeune Steev a quitté la zone à la suite de menaces proférées contre lui. La marraine de Anne a par la suite refusé toute autre interview proposée. Tout comme les parents de substitution concernant les menaces à l’encontre de Steev et de Anne.
Anne a porté plainte…
Devant une telle situation Anne a porté plainte pour viol et menaces. Elle s’est rendue à l’IBESR, entité administrative, mais qui dans ce cas fait aussi office de police judiciaire selon la loi, qui doit transférer son dossier au parquet pour les suites nécessaires.
Par contre pour la recherche de paternité, l’IBESR va mettre en marche son système pour retrouver si possible les véritables parents, moyennant une investigation encore plus poussée autour de la famille Jean.
Toutefois, les yeux des instances concernés sont rivés sur ce phénomène. Le code pénal traite de la substitution d’enfants. Et il existe une loi promulguée en 2014 sur la maternité, la paternité et la filiation.
Le code pénal est clair en son art 294. Les coupables d’enlèvement, de recel ou de supression d’un enfant, de subtitution d’un enfant à un autre, ou de supposition d’un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée seront punis de la réclusion C- pén 17, 20, 31,33.
La même peine s’applique à l’encontre de ceux qui étant chargés d’un enfant, ne le représenteront point aux personnes qui ont le droit de le réclamer. C. CIV. 57, 330, 331, 361 C.Pen 279 et suiv 295, 300.
L’IBESR est bien éveillé sur ce dossier. Que la justice puisse bien se mettre en marche pour substitution d’un enfant à un autre et viol présumé sur mineure. Dans l’intervalle la voie s’ouvre pour que Anne puisse espérer voir un jour ses véritables parents.
Margella Douyon
Dans l’idée de proteger l’identite de la mineur derrière Anne. Des moms d’emprunts ont été attribués à elle et ses proches.