Après une période dictatoriale de trente (30) ans, le peuple haïtien a adopté, par voie référendaire, la constitution de 1987. Prenant corps dans un contexte post-dictatorial, la charte fondamentale pose clairement les jalons de la liberté d’expression et de la satisfaction des droits civils, politiques voire socioculturelles. Cependant, 30 ans après et à environ sept (7) ans d’une première révision constitutionnelle, certains parlent déjà de la nécessite d’une réforme constitutionnelle, et d’autres d’un changement radical de la loi mère. Regardons de plus près…
La constituions de 87 : le pari d’une société égalitaire
Une constitution, suivant la fiction juridique, une loi fondamentale qui fixe l’organisation et le fonctionnement d’un État ou d’un ensemble d’États. La constitution haïtienne, d’entrée de jeu, mise sur une société où la richesse du pays doit-être équitablement repartie, d’où la justice sociale. Aussi, elle garantit les libertés publiques et le principe de l’Egalite de tous les haïtiens devant la loi.
Dans sa version originelle, elle fait la promotion d’une éducation de qualité pour tous les enfants haïtiens (articles 32 et suivants) en responsabilisant les autorités étatiques.De plus, elle fait la promotion de la stabilité et de l’alternance politique en instituant le Conseil Electoral Permanent de manière à ce que les élections se tiennent à échéance régulière tout en freinant l’auto-succession à la magistrature suprême de l’Etat; ce, en vue de bannir les velléités dictatoriales.
La réalité dément la constitution…
Or, dans la réalité et en dépit de ces dispositions, la constitution, dans sa forme et teneur, n’est jamais d’application stricte. En témoigne à ce jour, l’absence du Conseil Electoral Permanent et la difficulté presqu’insurmontable de l’établissement de l’Ecole Républicaine sur tout le territoire national, où les petits haïtiens auraient, tout au moins, droit au même contenu sur le plan scolaire. Lisez A qui profitent les élections en Haïti?
Malgré le fait que la constitution garantit les libertés publiques, sur le plan judiciaire, la société n’arrive pas à assurer pleinement la jouissance de ces droits. Si la liberté d’expression est garantie, les citoyens ont beaucoup de mal à voir satisfaire leurs revendications. Est-ce pour cela que les problèmes sont abordés avec violence et s’ensuivent parfois la destruction de biens publics.
De plus, après trois décennies, le probleme de détention préventive prolongée n’est pas réglée, d’où la soif de justice qui caractérisait la population après la dictature persiste encore. En effet, pour des délits mineurs des individus se voient écrouer pendant plusieurs années sans passer par devant les tribunaux. voir « Pénitencier national » ou « cimetière national »
L’absence de l’armée…
Selon le vœu de la constitution, les Forces Armées d’Haïti ont vocation de protéger le territoire et intervenir en cas de catastrophe. Cependant, sous le premier mandat du Président Aristide, soit en Octobre 1994, l’armée s’est trouvée démobilisée en 1994 pour avoir pris part au coup d’Etat. Au lieu de l’épuration de cette institution qui est importante pour le pays, on a choisi la voie du démantèlement. En conséquence, instabilité politique aidant, nous voilà avec une mission militaire onusienne sur le territoire.
Les évènements climatiques et sismiques de ces dernières années ne manquent pas de nous rappeler l’importance de l’Armée. A chaque catastrophe, des pays nous viennent en aide par le truchement de leurs forces armées. Pourtant, malgré le niveau de risque élevé, nous continuer de nager à contre-courant de la constitution qui préconise l’établissement d’une force armée fonctionnelle, capable d’intervenir en cas de catastrophe.
De la révision au rabais…
Par ailleurs, on se souvient des problèmes occasionnés par la révision constitutionnelle de 2010-2011 où des articles sont en contradictions les uns avec les autres, mais aussi entrent en collusion avec la réalité. A ce propos, on se souvient encore de cette phrase polémique « le mandat appartient au Parti » qui a suscité pas mal de débats lorsqu’un Ex Sénateur de l’OPL quittait le parlement avant la fin de son mandat.
Par ailleurs, certains observateurs et hommes de loi parlent de deux constitutions car la version créole n’a pas été révisée. Bref, la révision constitutionnelle de 2011, au lieu de résoudre certains problèmes, sèment plutôt la confusion et porte atteinte à la participation populaire en ce qu’elle exclut les collectivités territoriales dans le choix des membres du CEP.
Nouvelle révision ou changement total
A la question de savoir si une refonte totale est de mise aujourd’hui, les avis divergent. Il serait important de se questionner sur l’opportunité de cette refonte. Car, la constitution haïtienne subit un déficit d’application qui empêche de clamer son inutilité. Or, il faudrait commencer par l’appliquer, et non pas s’en servir au besoin, avant de déclarer, comme a eu à le faire le feu Président Préval, qu’elle est source d’instabilité. Questionnons les vrais intérêts.
Tout compte fait, réforme ou refonte, les divers secteurs de la vie nationale doivent apporter leur pierre dans ce processus, car les lois, tout comme la constitution, dispose pour l’avenir de la société dans son entièreté.
Jean Chadly Augustave