L’indépendance haïtienne : une anomalie, un défi et une menace
Haïti est la première République Noire du monde. Elle est la deuxième République de toute l’Amérique après les États-Unis (USA) établie par des colons anglais, le 4 juillet 1776. Cette révolution haïtienne, souvent qualifiée d’épopée, réalisée par des esclaves à Saint-Domingue, a bouleversé l’ordre mondial.
A l’origine, l’île d’Ayiti, c’est-à-dire «Terre des hautes montagnes», était peuplée par les Taïnos ou Arawaks. Peuple semi-sédentaire pacifique, décimé par les atrocités des Colons depuis Christophe Colomb. Il a été progressivement remplacé par des Noirs d’Afrique, suivant le plus notoire commerce des êtres humains ; appelé officiellement la traite négrière.
Dans la nuit du 22 au 23 août 1791 éclate une violente insurrection à Saint-Domingue. Esclaves noirs et affranchis revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs. C’est le début d’une longue et meurtrière guerre qui mènera à l’indépendance de l’île. La plus grande révolte de l’histoire de laquelle « naquit la République d’Haïti ; la première expérience de décolonisation » nous enseigne Florence Gauthier.
L’entorse à l’ordre mondial
La colonisation, imposée par les puissances européennes, définissait le statu quo dans le monde occidental entre le quinzième siècle et 19ème siècles plus précisément. Cette politique antihumaniste et esclavagiste régnait dans toute l’Amérique depuis l’arrivée des premiers espagnols en Ayïti, le 5 décembre 1492.
Pendant plus de trois siècles toute l’Amérique a été colonisée par des européens. Les indigènes, arrivés à Hispaniola des 1503 en tant qu’esclaves, se sont révoltés et se déclaraient libres et indépendants. Au début du 19ème siècle, pour un système esclavagiste fondé sur toutes les discriminations possibles, il s’agissait d’une grande anomalie. Les fondements des politiques impériales des puissances esclavagistes et ségrégationnistes sont effondrés.
Des Va-nus pieds victorieux
L’armée indigène a battu l’armée française, la plus grande puissance militaire à l’époque. Des va-nus pieds ont vaincus des militaires professionnels et expérimentés à travers les longues guerres d’indépendance dont Vertières se révèle le point de mire.
La bataille de Vertières, la plus fameuse de cette période, s’est tenue dans le Nord d’Haïti, le 18 novembre 1803. Elle a confirmé la déroute de l’armée esclavagiste. Les français sont battus et se retirent de l’ile de Saint-Domingue. Ainsi est né le nouvel État d’Haïti, le 1er janvier 1804, sous les commandes de Jean-Jacques Dessalines.
Haïti : foyer de la décolonisation
L’indépendance nationale haïtienne a un impact considérable sur le processus de décolonisation, surtout en Amérique. «Je suis Toussaint Louverture. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint Domingue. Joignez-vous à moi, frères, et combattons pour la même cause ». Cette phrase de Toussaint Louverture en 1793 qui a conditionné la marche vers l’indépendance, a fait écho pour l’appel à la décolonisation générale.
Dans son article 44, la constitution de 1805 stipule « Tout africain, indiens et ceux issus de leur sang, nés dans les colonies ou pays étrangers, qui viendraient résider dans la république, seront reconnus haïtiens mais ils ne jouiront des droits de citoyenneté qu’après une année de résidence ». Un appel qui ronge les semelles des colonies dans toute l’Amérique et ailleurs.
Le professeur Leslie F. Manigat parle de « universalisme haïtien ». Malgré la situation d’isolat d’Haïti, insiste-il, après son indépendance ; cela ne l’a pas empêché de jouer son rôle d’être le foyer d’initiatives d’intervention à l’extérieur en faveur de la solidarité internationale. Tout cela pour combattre les abus et donner, à chaque habitant du monde, l’opportunité de devenir citoyen.
Michelet Desrosiers et Diem Pierre